Birmanie. Les dissidents se réfugient dans les zones contrôlées par les guérillas ethniques
Alors que le bilan de la répression en Birmanie a dépassé les 500 morts, les opposants au coup d’État de l’armée birmane se réfugient nombreux dans les zones contrôlées par les guérillas issues de minorités ethniques.
C’est un vieux rêve, en Birmanie : une armée qui réunirait les milices rebelles issues des minorités ethniques et les dissidents des villes, contre la toute-puissante Tatmadaw, l’armée birmane et ses généraux auteurs du coup d’État du 1er février. Près de deux mois après, la répression de plus en plus violente a dépassé les 500 morts.
En 1988 déjà, après le coup d’État, des milliers d’étudiants étaient venus se former au combat auprès des guérilleros Karen, Shan, Kachin… « Sans Internet, face à la machine de propagande de l’armée, on se battait dans le noir », se souvient l’enseignante-chercheuse Nay Oo Mutraw.
Cette fois encore, les membres du mouvement de désobéissance civile s’appuient sur le soutien des minorités. La différence ? Ils peuvent communiquer entre eux pour tenter de structurer la résistance.
Selon l’Union nationale Karen (KNU), le mouvement qui milite pour l’autonomie de l’État Karen, à la frontière entre la Birmanie et la Thaïlande, plus d’un millier de « victimes politiques » ont trouvé refuge dans les territoires contrôlés par son armée, la KNLA, qui revendique près de 7 000 soldats.
« Nous protégeons des leaders du mouvement de désobéissance civile, affirme P’doh Hman Hman, porte-parole de la KNU. Des activistes, des médecins, des enseignants… mais aussi des policiers et des soldats déserteurs, qui ne voulaient pas tirer sur le peuple. » Plusieurs milliers d’autres dissidents se cachent au nord de la Birmanie, dans des villages de jungle contrôlés par d’autres milices, chez les minorités Shans et Kachins. Parmi eux, la plupart des membres du CRPH, le gouvernement birman autoproclamé en exil.
Leur présence met cependant en danger les villageois. Depuis quelques jours, le cessez-le-feu entre la Tatmadaw et la KNLA a été rompu. Dans le secteur de Mutraw, les premières frappes aériennes depuis près de vingt ans ont fait au moins trois morts, dans la nuit de dimanche à lundi. Dans la panique, 3 000 villageois ont alors tenté de passer en Thaïlande. La plupart ont été reconduits sous escorte militaire en territoire birman, contrairement aux engagements du gouvernement thaïlandais d’accueillir les réfugiés.
Certains parviennent tout de même à passer illégalement la frontière. Selon Saw Jay, jeune directeur d’une ONG birmane, qui se cache aux environs de Mae Sot pour récolter des fonds et les transférer à ses camarades sur le terrain, « les leaders ethniques attendent désormais des garanties pour s’engager davantage dans le conflit ». Lesquelles ? Que le CRPH renonce à la Constitution de 2008, afin de pouvoir jeter les bases d’un nouveau pacte national, avec plus d’autonomie et de contrôle sur les ressources naturelles, accordés aux minorités.
Par Carol Isoux – Ouest France – 30 mars 2021
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