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RSF et son rapport 2020 sur la liberté de la presse

L’ONG Reporters Sans Frontières (RSF) vient de publier son classement annuel mondial de la liberté de la presse 2020. Voici les résultats pour les pays du Mékong parmi les 180 pays classés :


Birmanie : 140ème (en 2019 : 139ème)

Au lendemain de la dissolution, en février 2011, de la junte, au pouvoir depuis un demi-siècle, les journalistes birmans nourrissaient l’espoir de ne plus avoir à craindre des arrestations et des emprisonnements lorsqu’ils formulaient des critiques contre le gouvernement ou l’armée. Et en effet, dans la décennie qui a suivi, de nombreuses réformes ont permis à la Birmanie de gagner vingt places au Classement de la liberté de la presse de RSF entre 2013 et 2017. Le coup d’Etat du 1er février 2021 a brutalement mis fin à cet élan fragile et a ramené les journalistes birmans dix ans en arrière. A nouveau, ils font face à des campagnes d’arrestations systématiques, doivent se plier à la censure et, pour beaucoup, se résignent à la clandestinité pour exercer leur métier librement et échapper aux forces de l’ordre. Ce putsch de 2021 n’a toutefois été qu’une demi-surprise, tant le climat qui entourait la liberté de la presse s’était durci depuis trois ans. Le coup le plus violent fut celui porté, en 2018, à deux journalistes de Reuters qui avaient enquêté sur un massacre de civils rohingyas. Finalement graciés au bout de plus de 500 jours de prison, au terme d’une parodie de justice, leur sort a servi d’avertissement à toute la profession, qui a compris qu’il fallait réfléchir à deux fois avant de publier une enquête susceptible de gêner le gouvernement civil ou la « Tatmadaw », l’institution militaire. Le journalisme d’investigation était pourtant prometteur, porté par des médias comme les sites d’information Myanmar Now, DVB ou Mizzima, par Mawkun Magazine ou encore par la BBC Burmese. Malheureusement, leur lectorat était encore trop faible, et le modèle économique de la presse privée restait en général éminemment fragile. Au-delà de l’arbitraire, auquel ils ont largement recours, les militaires disposent également d’un outil diaboliquement efficace pour faire taire les journalistes ou les intimider : l’article 66(d) de la loi sur les télécommunications criminalise la diffamation et peut envoyer un journaliste trois ans en prison pour une information contestée par un tiers.


Cambodge : 144ème (en 2019 : 144ème)

Inquiété par la perspective de devoir céder le pouvoir après plus de 30 ans de règne, le Premier ministre Hun Sen s’est lancé dans une guerre absolument impitoyable contre la presse en amont des élections législatives de juillet 2018. Le paysage journalistique indépendant en est ressorti dévasté – radios et journaux interdits, équipes de rédaction « épurées ». Place nette a ainsi été faite pour que les Cambodgiens n’aient plus accès qu’à l’information déversée par les grands groupes médiatiques directement liés à Hun Sen, ainsi que par l’agence de presse en ligne Fresh News, robinet à propagande pro-gouvernementale. Dans ce contexte, la création de l’Alliance des journalistes du Cambodge, ou CamboJA, fin 2019, a représenté une bulle d’air permettant aux reporters du pays de respirer – et une timide concession accordée par le gouvernement. En 2020, le pouvoir a tout de même instrumentalisé la crise du Covid-19 pour instaurer davantage de censure :  blocage de sites d’information, arrestations de journalistes et proclamation d’une loi sur l’état d’urgence, qui octroie à l’exécutif des pouvoirs jusque-là inégalés de censure et de surveillance de la presse traditionnelle et numérique.


Laos : 172ème (en 2019 : 172ème)

Le Parti révolutionnaire populaire lao (PPRL) exerce un contrôle absolu sur la presse et les médias. Le seul moment durant lequel les citoyens laotiens peuvent percevoir un semblant de pluralisme est lorsque les télévisions nationales diffusent les sessions de l’Assemblée nationale, durant lesquelles peuvent s’exprimer quelques divergences entre factions du PPRL. De plus en plus conscients des limites imposées à la presse officielle, les Laotiens se tournent vers internet et les réseaux sociaux. Mais l’adoption, fin 2014, d’un décret punissant de prison les internautes qui critiqueraient le gouvernement et le PPRL au pouvoir menace l’essor des plateformes d’information en ligne. Ce texte exige par ailleurs que les individus s’identifient systématiquement avec leur nom officiellement enregistré auprès des autorités. On compterait aujourd’hui trois millions d’internautes – soit 40 % de la population.En janvier 2016, un décret du Premier ministre est entré en vigueur, autorisant l’installation de médias étrangers dans le pays, mais à condition qu’ils acceptent de soumettre leurs contenus à la censure du Parti. Ainsi, seules les agences de presse chinoise Xinhua et vietnamienne Nhân Dân ont pu ouvrir un bureau à Vientiane. Si la blogosphère commence à émerger timidement, faire des commentaires sur les réseaux sociaux peut conduire à des poursuites. Une blogueuse a ainsi été condamnée à cinq ans de prison en 2019 pour avoir tenté d’informer ses concitoyens sur la situation des inondations dans le sud du pays. En octobre 2020, le gouvernement a émis un nouvel avis imposant à tous les médias en ligne de s’enregistrer auprès des autorités sous peine de ne plus pouvoir diffuser d’information. Grâce à la grande proximité linguistique entre les langues lao et thaï, les jeunes Laotiens suivent de près ce qu’il se passe sur les réseaux sociaux thaïlandais et ont même lancé un rare mouvement de contestation en ligne en octobre avec un mot-dièse que l’on pourrait traduire par #SiLesPolitiquesLaotiensEtaientBons (#ຖ້າການເມືອງລາວດີ), qui a été repris plus de 400 000 fois, et qui dénonce notamment l’absence de liberté d’expression au Laos.


Thailande : 137ème (en 2019 : 140ème)

Les élections de mars 2019, promises depuis des années, n’ont rien changé à l’emprise absolue sur les médias thaïlandais de l’élite qui entoure le général Prayuth Chan-o-cha, auteur du coup d’Etat de 2014, et qui cumule désormais les postes de Premier ministre, ministre de la Défense et chef de la police royale. Toute critique du pouvoir est toujours susceptible de déclencher une violente répression, rendue possible par un cadre législatif liberticide et une justice aux ordres.La loi sur la cybersécurité adoptée en février 2019, qui octroie encore plus de pouvoirs à l’exécutif, fait peser de nouvelles menaces sur la liberté de l’information en ligne. L’instrumentalisation du crime de lèse-majesté, passible de 15 ans de prison, demeure également une arme de dissuasion massive contre toute voix dissidente. On a pu largement constater l’emprise de l’autocensure dans les médias thaïlandais avec la (non)-couverture des manifestations pro-démocratie massives qui ont animé le royaume en 2020. L’une des revendications clés du mouvement, à savoir la question de la réforme du système monarchique, a été systématiquement gommée des reportages des médias grand public. Le gouvernement a également instrumentalisé la crise du coronavirus pour promulguer un décret condamnant à cinq ans de prison la diffusion d’informations « fausses ou pouvant générer la peur au sein du public » et permettre au gouvernement d’imposer des correctifs aux informations publiées. Les autorités se montrent par ailleurs particulièrement complaisantes avec certains régimes : des journalistes et blogueurs cambodgiens, chinois ou vietnamiens ont ainsi été arrêtés sur le sol thaïlandais par des agents de leur pays, pour y être « rapatriés » et jetés en prison.


Viêt Nam : 175ème (en 2019 : 175ème)

Les blogueurs et les journalistes indépendants, seules sources d’information indépendante dans un pays où la presse est entièrement aux ordres du Parti communiste, sont la cible permanente d’une répression toujours plus féroce. Les violences policières, perpétrées par des agents en civil, se multiplient. Le Parti continue de justifier l’emprisonnement des acteurs de l’information en invoquant le Code pénal en particulier trois articles qui punissent de lourdes peines d’emprisonnement ceux qui seraient reconnus coupables d’avoir mené des « activités visant à renverser le pouvoir du peuple », de « propagande anti-étatique » ou d’avoir « abusé de leurs libertés démocratiques ». Après l’arrivée de la ligne conservatrice de Nguyen Phu Trong à la tête du Parti, dont la mainmise a été confirmée par le Congrès quinquennal de janvier 2021, la terreur s’est affirmée de façon significative. En 2020, plusieurs membres de l’Association des journalistes indépendants du Vietnam (IJAVN) ont été arrêtés, et trois ont été condamnés à des peines allant entre 11 et 15 ans de prison. La lauréate du prix RSF de l’Impact 2019, Pham Doan Trang, a elle aussi été arrêtée. Au total, plus d’une trentaine de journalistes et blogueurs croupissent toujours dans les geôles vietnamiennes, où les cas de mauvais traitements sont fréquents.Face à la mobilisation citoyenne en ligne, le pouvoir a par ailleurs affiné ses outils de répression. L’armée a en effet mis au point la Force 47, une unité composée de 10 000 cybersoldats chargés de défendre le Parti et d’attaquer les blogueurs qui porteraient des voix dissidentes sur internet. Depuis 2019, la loi sur la cybercriminalité oblige notamment les plateformes à stocker les données des utilisateurs sur le sol vietnamien pour les remettre aux autorités si elles l’exigent.


Reporters Sans Frontières – 3 mai 2021

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