Cent jours après le coup d’État, la Birmanie plus instable que jamais
Ces cent jours ont été marqués par le soulèvement d’un peuple réclamant le retour de la démocratie, réprimé dans le sang. Au moins 780 personnes ont été tuées et près de 4 000 arrêtées. Une grève générale sans précédent, menée par un mouvement de désobéissance civile, paralyse le pays : la Birmanie est plongée dans le chaos depuis le 1er février 2021. Et pourtant, la communauté internationale ne parvient toujours pas à apporter un réel soutien à la population birmane.
Il y a eu des dénonciations timides de la junte militaire par les pays occidentaux. Les États-Unis, l’Union européenne et la Grande-Bretagne ont condamné le putsch et imposé des sanctions économiques contre la junte, mais sans pour autant parvenir à intimider les militaires.
À leur tour, les dirigeants de l’Asean (Association des nations de l’Asie du Sud-Est) ont tenu un sommet sur la crise auquel était convié le général Min Aung Hlaing, le responsable du coup d’État. Malgré de profondes divisions entre les pays membres, ils ont adopté une déclaration en cinq points appelant notamment au dialogue, à la fin des violences et à la nomination d’un émissaire qui pourrait se rendre en Birmanie.
Mais, quelques jours plus tard, la junte inflige à l’Asean un camouflet, annonçant que ses « suggestions » ne seront prises en compte que « lorsque la situation sera redevenue stable ».
Les combats entre l’armée et des factions rebelles, dont les rangs ne cessent de grossir, s’intensifient de jour en jour. La quatrième déclaration commune du Conseil de sécurité des Nations unies a de nouveau été amoindrie par la Chine et la Russie. Les deux géants demeurent fidèles aux généraux putschistes, et ce, malgré le risque d’une guerre civile dans le pays.
Alexandre Pelletier, chercheur postdoctoral à l’université Cornell, aux États-Unis, explique la seule issue à ce conflit.
[…] La solution c’est évidemment de reconnaître les élections de 2020, mais plus les jours avancent, plus il est difficile d’espérer que ce scénario puisse se produire. Les militaires finalement s’accrochent à leur coup. Les militaires espéraient que le coup soit très rapide, que l’opposition démocratique s’écrase et puis que les militaires puissent transformer le système politique birman pour assurer leur domination dans le système et retourner vers des élections un an plus tard. Mais la situation a complètement changé dans les 100 derniers jours. Ce qu’on voit en fait, c’est une descente du Myanmar dans une guerre civile. Les dissidents joignent les groupes armés, qui gonflent les rangs de plusieurs milliers de personnes. Donc on peut possiblement anticiper dans les prochains mois une guerre civile ouverte.
Radio France Internationale – 11 mai 2021
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