Birmanie : la résistance en exil lance une radio clandestine
Plus de six mois après le coup d’État en Birmanie, le gouvernement en exil a lancé ce week-end une radio clandestine qui diffuse des informations depuis l’étranger pour lutter contre la propagande de la junte militaire. Une radio pour garder l’espoir.
La résistance birmane ne baisse pas les bras. Plus de six mois après le coup d’État militaire du 1er février dernier, le « gouvernement fantôme » qui s’est constitué en réaction à la junte, a lancé ce week-end une radio clandestine afin de contrer la suprématie sur les ondes des médias officiels soutenus et financés par l’armée.
Face à ce nouveau défi de la résistance civile qui ne faiblit pas, les autorités militaires ont immédiatement interdit la vente de postes de radio dans les boutiques et mené des descentes chez les particuliers pour les confisquer.
Une radio pour garder l’espoir
« C’est un vrai soutien psychologique, assure Maung, 37 ans, journaliste basé à Mandalay, seconde ville du pays. Toute ma famille se réunit autour de la radio et nous pouvons capter les deux programmes quotidiens le matin et le soir sur les ondes courtes », raconte-t-il depuis Mandalay sur messagerie cryptée.
D’anciens députés dissidents du parti d’Aung San Suu Kyi ont formé un « gouvernement d’unité nationale » (NUG en anglais) dans la clandestinité en Birmanie ou en exil, cherchant à rallier des soutiens à leur résistance auprès de la communauté internationale.
La radio diffuse depuis l’étranger sur les ondes courtes
Maung explique que « Radio NUG » diffuse des « informations sur la situation sanitaire du pays touché de plein fouet par l’épidémie de coronavirus, des messages d’encouragement de militants exilés et des témoignages poignants sur leur tristesse d’avoir dû fuir le pays ». La radio a d’emblée encouragé ses auditeurs à se procurer des postes de radio plutôt que de les suivre via Internet afin de contourner les nombreuses coupures de réseaux imposées par la junte.
« Ils doivent diffuser par satellite depuis l’étranger, assure Thei Rein, un jeune militant très engagé de Rangoun. Probablement depuis les États-Unis car la diaspora y est très présente et récolte plus facilement des fonds pour la financer ».
Dès l’annonce du lancement de la radio clandestine ce week-end, les autorités militaires ont décidé de confisquer les radios dans les boutiques de Rangoun comme elles l’avaient fait avec les antennes satellites au lendemain du coup d’État. « La demande de postes de radio a beaucoup augmenté depuis plusieurs jours », explique un reporter du journal Irrawady, basé en Thaïlande et fondé par des exilés de la révolution de 1988. Lorsque le régime a réduit les accès Internet au début de l’année, les Birmans ont commencé à écouter la radio pour suivre la BBC, Radio Free Asia et Voice of America », poursuit-il.
Les Birmans se sentent abandonnés par la communauté internationale
La naissance de cette nouvelle radio illustre également une certaine frustration de la part des Birmans, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, qui constate avec amertume que la communauté internationale ne fait rien de concret pour eux. « En pleine pandémie du Covid-19, les familles se battent pour avoir des médicaments et de l’oxygène, explique Maung de Mandalay, beaucoup de gens meurent du virus mais les jeunes continuent de défiler régulièrement dans les rues, comme certains moines. Nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes face aux militaires ».
Dans ces dernières émissions du week-end, « Radio NUG » a justement parlé de nombreux actes de résistance dans plusieurs villes du pays ; « des attaques de civils contre des postes de police, des bombes artisanales posées par les Forces de défense du peuple (FDP) devant des administrations officielles ou des clashs entre les armées ethniques et l’armée birmane ».
Pour Maung, « ce sont des nouvelles qui encouragent la population à continuer de s’opposer, coûte que coûte, car nous n’avons pas d’autres options aujourd’hui ». Les Birmans se sentent seuls face à une junte qui n’entend pas rendre de sitôt le pouvoir aux civils.
Par Dorian Malovic – La Croix – 24 août 2021
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