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Birmanie : Aung Myo Min, un parcours hors du commun

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Direction la Birmanie, où l’armée a pris le pouvoir le 1er février. En mai dernier, Jelena Tomic a réussi à joindre Aung Myo Min, premier ministre des Droits de l’homme au sein du gouvernement birman d’unité nationale, jugé illégal par la junte. 

Premier haut responsable qui affiche ouvertement son homosexualité, Aung Myo Min a consacré sa vie entière à promouvoir et à défendre les droits de l’homme. (Rediffusion)

Nous sommes le 8 août 1988, des étudiants se soulèvent contre le général Ne Win au pouvoir depuis 26 ans. En décidant de supprimer certains billets de banque, le dictateur provoque une crise économique majeure. Les économies de la majorité des Birmans s’envolent. La colère gronde, les étudiants sont très vite rejoints par des moines et des ouvriers. Le soulèvement est réprimé dans le sang. Des milliers de personnes succombent sous les balles des militaires.

« Je ne pouvais ni oublier ni pardonner ce qui s’était passé », dit Aung Myo Min qui avait 20 ans à l’époque. « Des camarades qui comme moi appelaient à la démocratie et la fin de la dictature ont été tués. On s’aimait, c’étaient des amis chers, que j’ai vu mourir dans mes bras. Cette expérience traumatisante, je l’ai transformé en engagement. J’ai ressenti le devoir de poursuivre le combat, pour eux. Ça m’a rendu plus fort, j’ai décidé de réagir et j’ai pris les armes. » 

Sa découverte de la Déclaration universelle des droits de l’homme

Avec d’autres étudiants contraints de fuir le pays, Aung Myo Min met en place la première armée étudiante, le Front démocratique de tous les étudiants birmans, un bataillon d’environ 7 000 combattants. Direction l’État Karen à la frontière avec la Thaïlande contrôlé par l’armée nationale Karen, l’un des nombreux groupes ethniques armés en guerre contre la junte.

« J’ai suivi un entraînement militaire et suis allé sur le front, mais j’ai très vite compris que je n’étais pas si bon dans le maniement des armes, je n’étais pas fait pour ça », concède Aung Myo Min. Puis d’ajouter : « J’ai eu la chance de pouvoir étudier dans l’université qu’on a montée dans la jungle et c’est là que j’ai eu pour la première fois entre les mains la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée par l’ONU en 1948. J’ai réalisé en lisant le livre qu’aucun droit inscrit dans ses articles n’était protégé dans mon pays. C’est à ce moment-là que j’ai décidé d’abandonner la résistance armée pour m’instruire aux droits de l’homme ».

« Je voulais vraiment mettre fin au désespoir enduré par les minorités »

Son expérience dans l’État Karen n’a fait que renforcer ses convictions. « Lors du soulèvement en 1988 on voulait la démocratie, mais on avait une notion très abstraite de ce qu’étaient les droits de l’homme, comme l’égalité, la non-discrimination, le respect mutuel et la diversité » dit-il.

Puis il ajoute : « Quand je regardai autour de moi, je réalisais que les droits humains n’existaient tout simplement pas. J’ai vu la population Karen fuir les attaques des militaires et s’exiler, des femmes ont été violées et des villages entiers incendiés. Je voulais vraiment mettre fin au désespoir enduré par les minorités. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à recueillir des preuves des violations flagrantes des droits humains pour assister les ONG internationales dans leurs enquêtes et faire savoir au monde ce qui se passe dans les zones ethniques », raconte Aung Myo Min.

S’exiler pour mieux revenir

Commence ensuite une longue période d’exil qui durera 24 ans. L’ancien leader étudiant de Rangoun part étudier à New York où il se spécialise dans les droits de l’homme. 

« Mon pays me manquait beaucoup et j’ai toujours cherché le moyen de revenir. En 2012, un ministre m’a proposé de venir pour évaluer la situation. C’était une période d’ouverture. Mais je ne voulais pas venir en tant que touriste, on m’avait délivré un visa de deux semaines. Je voulais rentrer pour de bon, travailler pour mon pays. Mais les militaires ne m’ont rendu la citoyenneté qu’en 2019 », explique-t-il.

Intégrer la cause des LGBT à la défense des droits de l’homme

Homosexuel, Aung Myo Min est l’un des rares à avoir eu le courage il y a 30 ans de faire son coming-out. L’inclusion des LGBT dans la révolution de printemps est l’une de ses plus grandes fiertés.

« Les militants LGBT sont en première ligne dans les manifestations. Ils ont démontré qu’ils faisaient partie de la société, qu’ils sont des êtres humains comme les autres qui s’opposent à la dictature militaire et demandent le respect de la dignité et des droits humains. Certains d’entre eux ont été arrêtés ou tués. Cela a changé le regard que la population portait sur eux. Toute ma vie, j’ai fait en sorte d’intégrer la cause LGBT à la défense des droits humains. Nous sommes tous égaux et main la main, nous nous battons contre la junte. Cela me rend très fier. »

Après plus de deux décennies d’exil, Aung Myo Min, 53 ans, a dû de nouveau fuir son pays pour échapper à la dictature militaire.

Par Jelena Tomic – Radio France Internationale – 29 août 2021

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