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Pas de répit en vue pour la population

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Le conflit déclenché en Birmanie par le coup d’État de février est dans l’impasse et ne laisse entrevoir aucun répit pour la population du pays, qui doit faire face, sur fond de violence, à un ralentissement catastrophique de l’économie.

La junte au pouvoir a montré quelques signes d’ouverture récemment dans l’espoir d’améliorer son image sur la scène internationale, mais poursuit sur le terrain ses attaques à grande échelle, assimilées par les Nations unies à des crimes contre l’humanité.

Jean-François Rancourt, spécialiste de la Birmanie rattaché à l’Université de Montréal, note que les militaires ont notamment mis à profit leurs forces aériennes pour cibler des insurgés dans des régions frontalières reculées.

C’est le cas notamment dans l’État Chin, dans le nord-ouest du pays, où on a assisté à une « campagne de bombardement assez intense » ayant forcé le départ de nombreux résidants vers l’Inde, relève l’analyste.

Human Rights Watch a attiré l’attention à deux reprises sur la campagne menée sur place par les militaires en analysant des images satellites montrant que de nombreux feux ont dévasté la ville de Thantlang au début de novembre et à la mi-novembre.

Un porte-parole de l’armée a affirmé que des insurgés locaux y avaient brûlé des dizaines de maisons après des combats. Une allégation jugée peu crédible par l’organisation de défense des droits de la personne, qui rappelle que les militaires ont utilisé une stratégie de communication similaire par le passé en menant de graves attaques contre la population rohingya dans l’État de Rakhine.

M. Rancourt note que la junte au pouvoir tente notamment de s’imposer dans plusieurs régions éloignées pour contrôler les frontières et éviter l’entrée au pays d’armes susceptibles de profiter à ses opposants.

La répression continue de plus belle par ailleurs dans les plus grandes villes du pays contre des centaines de « groupes locaux de défense » qui entretiennent des liens plus ou moins étroits avec le « gouvernement d’unité nationale » mis sur pied par des politiciens de l’opposition passés dans la clandestinité.

Selon un récent rapport de l’International Crisis Group (ICG), certains sont composés de quelques personnes seulement, alors que d’autres réunissent des centaines de combattants munis d’armes légères modernes.

Bien qu’ils varient en taille, la majorité des groupes ont recours à des stratégies de guérilla similaires face à l’armée, qui compte près de 300 000 soldats.

La junte elle-même dit que près de 800 personnes, dont des administrateurs locaux, des membres des forces de sécurité et des informateurs présumés, ont été assassinées par leurs attaques. Des centaines de bâtiments gouvernementaux ont été touchés par des explosions, et des infrastructures ont été endommagées, incluant plus d’une centaine de tours de transmission cellulaire.

Torture

Bien qu’elle ne semble pas en mesure de venir à bout de l’insurrection, l’armée demeure déterminée à poursuivre la répression et n’hésite pas à recourir à la torture pour briser ses adversaires, relève M. Rancourt.

Une récente enquête de l’Associated Press, qui parle d’une pratique « systématique » touchant l’ensemble du pays, a interviewé une trentaine de personnes ayant été battues, soumises à des chocs électrique ou des simulacres de noyade.

Dans une récente entrevue de la BBC, un porte-parole des militaires a écarté les allégations de torture d’une femme birmane en relevant qu’elle aurait dû se plaindre aux responsables de la prison.

M. Rancourt note que la junte donne souvent l’impression, par ses interventions publiques, qu’elle « pense pouvoir dire n’importe quoi comme si elle conservait un contrôle total sur les informations circulant sur la situation du pays ».

L’annonce à la mi-octobre de la libération de milliers de prisonniers politiques était du même ordre, souligne l’analyste, qui voit l’exercice comme une « blague » puisque nombre d’opposants « relâchés » ont immédiatement été repris et réincarcérés.

Le pays largué

Les dirigeants de l’armée, qui ont libéré il y a quelques jours un journaliste américain, tentent de projeter une « image positive » mais ne convainquent pas, comme en témoigne la décision de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) d’exclure tout représentant de la junte d’une rencontre tenue fin octobre.

L’organisation est allée encore plus loin ensuite en invitant un représentant du gouvernement parallèle opposé aux militaires à participer à un sommet sur l’environnement cette semaine.

« Habituellement, l’ASEAN ne critique pas les pays membres. Il faut dire que beaucoup d’entre eux sont dirigés par des régimes autoritaires », souligne M. Rancourt.

Alors que l’impasse politique perdure, l’économie est en « chute libre » et la devise nationale s’écrase, prévient l’ICG, qui s’alarme du fait que la moitié des familles du pays sont maintenant incapables de se nourrir convenablement.

Malgré la gravité de la situation, l’attention internationale accordée à la Birmanie a grandement diminué au fil des mois, déplore l’organisation, qui presse les pays asiatiques et occidentaux d’intensifier les pressions sur la junte pour empêcher l’émergence « très risquée » d’un État failli au cœur de la région indopacifique.

Par Marc Thibodeau – La Presse – 23 novembre 2021

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