Au Vietnam, « l’héroïne de l’environnement » emprisonnée
La célèbre militante écologiste Nguy Thi Khanh, 46 ans, prix Goldman de l’environnement, le « Nobel vert », en 2018, a été arrêtée mercredi 9 février par les autorités vietnamiennes sous le prétexte « d’évasion fiscale ».
Après les dissidents politiques, Hanoï s’en prend maintenant à la société civile.
« L’héroïne de l’environnement » au Vietnam, Nguy Thi Khanh, 46 ans, a été arrêtée chez elle mercredi 9 février par la police. En lutte contre les énergies polluantes depuis des années, ce qui lui a valu d’obtenir le prix Goldman pour l’environnement en 2018, le « Nobel vert », Thi Khanh a été accusée d’« évasion fiscale ». Dans ce pays communiste où la corruption est endémique, la militante a dû sérieusement menacer les intérêts de grands groupes industriels au point d’être devenue la cible de campagnes de diffamation dans les médias d’État et sur Internet.
Née en 1976 dans le district de Yen Dug, dans le nord du pays où sont exploitées depuis des décennies des mines de charbon très polluantes, Thi Khanh est diplômée de l’Académie diplomatique du Vietnam. Sensibilisée par les victimes de la pollution dans sa région, elle s’oriente très vite dans la défense de l’environnement et des énergies renouvelables. Après un engagement dans plusieurs ONG dédiées à la protection de l’eau, elle décide de fonder le Centre de développement et de l’innovation verte (GreenID) en 2011.
Bien qu’elle ait réussi à nouer des partenariats avec des administrations publiques afin de relever les défis de la pollution de l’air et de l’eau, Thi Khanh a dû pousser un peu trop loin les limites autorisées par le régime. Depuis plusieurs années, le Vietnam a vu s’installer des milliers d’entreprises textiles et d’électronique venues de Chine où les coûts de production n’ont cessé d’augmenter. Afin de répondre à la demande grandissante d’énergie pour faire tourner ces usines, le régime de Hanoï a dû accroître sa production de charbon pour fournir de l’électricité à ces nouveaux pôles de développement.
Campagne de répression contre les militants écologistes
Le mois dernier déjà, les bureaux de GreenID et son domicile ont été perquisitionnés par la police et de nombreux documents ont été confisqués. Dans ce qui semble être une campagne politique de répression contre les militants écologistes, Thi Khanh est la dernière à en avoir été victime. En janvier, Dang Dinh Bach, directeur du Centre de recherche sur le développement durable, a été condamné à cinq ans de prions pour « évasion fiscale ». Le journaliste Mai Phan Loi, responsable d’une revue juridique officielle, a été condamné à quatre ans de prison également pour « fraude fiscale ». L’ONG Reporters sans frontières a exigé sa « libération immédiate » mais les autorités vietnamiennes restent inflexibles.
« Maintenant que Hanoï a emprisonné tous les dissidents politiques pendant que le monde combattait le Covid-19, l’appareil répressif de l’État s’en prend maintenant aux ONG sociales et environnementales, dénonce Phil Robertson, vice-directeur Asie de l’ONG Human Rights Watch (HRW). Espérons que le monde se battra beaucoup plus pour ces leaders de la société civile qu’il ne l’a fait pour les dissidents politiques qui purgent aujourd’hui de très longues peines de prison simplement pour avoir osé dénoncer les violations de droits de l’homme et la corruption. » Nguy Thi Khanh risque une peine de sept ans de prison.
Par Dorian Malovic – La Croix – 10 février 2022
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