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Au Cambodge, Khieu Samphan, le dernier dignitaire khmer rouge vivant, condamné à la prison à perpétuité

Khieu Samphan avait déjà été condamné à la perpétuité en 2014 – verdict confirmé en appel en 2016 – pour des crimes contre l’humanité commis lors de l’évacuation forcée des habitants de Phnom Penh, dans le premier volet de son procès-fleuve.

Pour son ultime décision avant dissolution, le tribunal spécial chargé de juger les Khmers rouges pour leurs atrocités a confirmé en appel la condamnation à la prison à perpétuité pour Khieu Samphan, dernier dignitaire en vie, pour génocide, jeudi 22 septembre à Phnom Penh. L’ancien chef d’Etat du Kampuchéa démocratique, âgé de 91 ans, a aussi été reconnu coupable de crimes contre l’humanité – meurtres, mises en esclavage, mariages forcés, viols – et de graves violations aux Conventions de Genève.

Khieu Samphan « avait connaissance directe des crimes et il partageait l’intention de les commettre avec les autres participants de l’entreprise criminelle commune » qui a tué près de deux millions de personnes entre 1975 et 1979, a rappelé le juge Kong Srim. Les accusations qui le visaient sont associées à « certains des actes les plus haineux » de la dictature maoïste, a insisté le président de la chambre de la Cour suprême.

Khieu Samphan a assisté au jugement, au tribunal, sur son fauteuil roulant, écoutant le prononcé de deux heures et demie par un casque audio. Il a déjà été condamné à la perpétuité en 2014 – verdict confirmé en appel en 2016 – pour des crimes contre l’humanité commis lors de l’évacuation forcée des habitants de Phnom Penh, dans le premier volet de son procès-fleuve, démarré en 2011.

« Combattre l’impunité face aux atrocités de masse »

Des survivants du régime khmer rouge se disent satisfaits de cette condamnation. « Je suis content, je suis heureux que cela permette d’éviter les dictatures et les génocides dans le futur. C’est une bonne nouvelle pour le Cambodge », a réagi Ly Sos, 63 ans, une victime issue de la communauté musulmane cham. « C’est la bonne décision. Le régime de Pol Pot a fait de mauvaises choses et a tué des gens », renchérit Lim Ching, qui a perdu plus de vingt proches, dont sa mère, durant la terreur.

D’autres victimes espéraient un jugement différent : « les victimes peuvent accepter ce verdict partiellement, ce n’est pas assez fort », selon Bou Meng, rescapé de S21. « Je ressens du soulagement, bien que nous n’ayons pas eu de compensation », a expliqué Eam Mary, 57 ans, qui a perdu cinq membres de sa famille. Les textes du tribunal spécial parrainé par les Nations unies empêchent la Cour de prononcer la peine de mort ou des réparations financières aux victimes.

« L’échelle de ces crimes était très vaste. Devant de tels crimes, aucun tribunal ne peut apporter une justice totale pour toutes les victimes, ni poursuivre tous les responsables », a réagi Fergal Gaylor, coprocureur international de la Cour, poursuivant :

« Ce tribunal a apporté une grande contribution à l’effort mondial pour combattre l’impunité face aux atrocités de masse. Il a renforcé le respect de l’Etat de droit au Cambodge, et a aidé à cicatriser les blessures du passé, permettant aux personnes de ce pays de se tourner vers le futur. »

Un « jour historique »

Près de 500 personnes, dont des familles de victimes, des moines bouddhistes et des diplomates, ont assisté à l’audience, un « jour historique » selon le porte-parole de la Cour Neth Pheaktra.

Khieu Samphan, l’un des rares visages publics du régime, a toujours nié son implication dans les faits qui lui sont reprochés, notamment dans le génocide contre les Vietnamiens. Ce chef d’accusation ne concerne pas les massacres, fussent-ils de masse, des Khmers par les Khmers qui ne sont pas considérés par les Nations unies comme un génocide.

Khieu Samphan est le troisième dignitaire khmer rouge à être condamné par cette Cour spéciale, composée de magistrats cambodgiens et internationaux. Kaing Guek Eav, surnommé « Douch », a été condamné à la perpétuité pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. L’ancien tortionnaire, chef du plus redoutable centre de détention du pays à l’époque, S21, est mort en 2020, à 77 ans.

Dissolution dans trois ans

Les juges ont infligé la même sentence à Nuon Chea, l’idéologue du mouvement, pour génocide, contre les Vietnamiens et les musulmans chams, et crimes contre l’humanité. Il est mort en août 2019 à l’âge de 93 ans. « Frère numéro un », Pol Pot, est, quant à lui, mort en 1998, sans être jugé.

Les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC) s’apprêtent désormais à fermer leurs portes sans avoir dissipé les controverses qui les minent depuis le début. L’abandon ces dernières années des poursuites contre trois personnes accusées de génocide ou de crimes contre l’humanité a rappelé leur fragilité dans un pays dirigé par un ancien commandant khmer rouge repenti, Hun Sen, qui s’est prononcé contre tout nouveau procès au nom de la stabilité nationale.

Son coût, plus de 330 millions de dollars, rapporté au nombre de condamnations, a également alimenté les suspicions. Son fonctionnement doit servir de « modèle pour poursuivre les crimes graves et les massacres dans le futur au niveau international », a affirmé Bin Chhin, premier ministre adjoint du Cambodge, dans une conférence de presse donnée à l’issue du prononcé. Sa dernière affaire close, la Cour doit se dissoudre dans trois ans, après avoir terminé son travail d’archivage, entre autres.

Le Monde avec Agence France Presse – 22 septembre 2022

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