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Le sommet de l’APEC, vitrine thaïlandaise ou risque géopolitique ?

Le sommet prochain de l’APEC à Bangkok, les 18 et 19 novembre est une question de fierté nationale pour les autorités thaïlandaises qui entendent donner une image positive de leur pays sous les projecteurs internationaux. 

Cette mise en lumière n’est pas si courante, le dernier sommet de ce forum économique inter-Pacifique en Thaïlande date de 2003. Des lustres me direz-vous : à l’époque, l’aura du souverain Bhumibol était à son firmament et Thaksin Shinawatra, alors Premier ministre, se voyait comparé à un « Berlusconi asiatique » en redressant l’économie d’un royaume mal en point en 1997 avec la déflagration financière aussi appelée crise du « tom yam kung ». La Thaïlande était alors surnommée le « 5ème tigre », suivant les traces du spectaculaire décollage économique des NPIA (Nouveaux pays industrialisés asiatiques).

En cette fin 2022, la situation a bien changé, liée à l’interminable polarisation politique « Rouges-Jaunes » (pour faire simple) depuis 2006, deux coups d’État réussis et une démocratisation en recul depuis 2014 avec la main mise des militaires sur les affaires du pays.

Très bonne élève de la croissance économique et d’un début du partage des richesses au début des années 2000, la Thaïlande est aujourd’hui à la peine face à ses partenaires et concurrents du sud-est asiatique. Indonésie, Vietnam ou même son voisin méridional, la Malaisie surperforment par rapport à la Thaïlande. Le pays, qui dispose d’atouts indéniables sur de nombreux points (position géographique idéale, bons réseaux de communication, offre touristique remarquable, capacité à accueillir des délocalisations d’entreprises, sourire légendaire de sa population…), a perdu tant d’opportunités pour une guerre politique interne. Deux visions entre une démocratie élitiste servant l’establishment militaro-royaliste et une démocratie populiste servant les entrepreneurs nouveaux riches et donnant quelques avancées sociales aux plus défavorisés bloquent l’ancien Siam depuis plus de 15 ans. Le royaume est devenu celui des inégalités les plus criantes pour la possession de la richesse, ce à l’échelle mondiale. Au moment où les partis s’écharpent au Parlement pour savoir si les étrangers auraient le droit d’avoir ici la possession d’une petite parcelle de terrain pour construire, il est bon de rappeler que 75% du foncier thaïlandais appartient à 1% de la population. L’argument tendant à dire que cette hypothétique loi spolierait les thaïs tombe car déjà, une majorité a peu accès à la propriété foncière.

Quelle perception diplomatique avant l’APEC ?

On sait que la Thaïlande est le plus vieil allié des États-Unis dans cette région du sud-est asiatique depuis la guerre froide. On sait aussi que le pays de l’oncle Sam, dans bien des lieux de la planète, pousse pour une démocratisation des régimes, des révolutions « orange » aux Printemps arabes. Or, depuis les manifestations pro-démocratie à Bangkok organisées par une jeunesse plus sensible à ces valeurs que ses aînés, les pays occidentaux et en premier lieu, les États-Unis, ont une voix plus discrète pour soutenir ces jeunes militants qui souhaitent d’importants changements structurels et exigent plus de transparence de la monarchie. Craignent-ils que des critiques plus affirmées ne jette davantage la Thaïlande dans l’orbite chinoise ? La Chine s’accommode très bien d’une certaine confiscation de la démocratie thaïlandaise par les généraux au nom de sa non-ingérence dans les affaires intérieures étatiques et du moment qu’elle fait des affaires pour gagner de l’argent et accroître son influence. De plus, sur la scène internationale, les monstruosités du régime birman voisin polarisent les condamnations des chancelleries occidentales et font apparaître les autorités thaïlandaises comme mesurées et plus fréquentables.

Par Philippe Bergues – Gavroche-thailande.com – 4 novembre 2022

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