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Au Cambodge, des milliers d’esclaves aux mains des cybercriminels

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Dans la ville de Sihanouville, au Cambodge, de véritables camps de travail forcé ont été installés pour mener des activités cybercriminelles.

Yijun est un jeune diplômé d’une université d’informatique de Taiwan, à la recherche d’une expérience professionnelle à l’étranger. Il écume les sites d’annonces, et au fil de ses recherches tombe sur une offre d’emploi située au Cambodge. Il appele le numéro, une voix charmante lui indique comment candidater et lui explique que tous les frais seront pris en charge par la compagnie. Il dépose sa candidature dans la foulée, et quelle chance se retrouve engagé ! Deux semaines plus tard, le voilà à Phnom Penh, capitale du Cambodge. Un bus est là pour le récupérer, et il n’est pas seul. Indiens, Pakistanais, Chinois, Taiwanais, Thaïlandais, Indonésiens, Philippins… Le recrutement est international.

Cinq heures plus tard, le choc. Des hommes le jettent en dehors du bus. Devant un hangar, on lui explique qu’il appartient désormais à la compagnie et qu’il va devoir monter des arnaques sur Internet. Pour chaque tache réussie, on lui offrira des heures de sommeil et de la nourriture. Mais gare à ceux qui ne remplissent pas les objectifs, ils seront battus par les geôliers… Yijun est désormais un esclave de la cybercriminalité.

Un système bien huilé

Ces hangars, ou compounds, remplis de ces esclaves modernes sont partout à Sihanoukville. Comment les reconnaitre ? Leurs murs sont ornés de fils barbelé et des hommes de main en gardent les accès. Tout ce système est sous le contrôle des triades chinoises. Déjà familières du trafic d’êtres humains, elles on décidé de se lancer dans la cybercriminalité en ayant recours à une main d’œuvre docile. A l’origine, elles pensaient s’établir aux Philippines mais très vite leurs activités y furent découvertes et les autorités locales lancèrent plusieurs raids, les forçant à fuir. Les triades installèrent alors leurs bases à Sihanoukville au Cambodge.

En achetant les autorités locales, elles se sont garantie un véritable safe space. Pour se doter d’esclaves cybercriminels, il suffit à une triade d’acheter un compound puis de créer une compagnie écran pour attirer les jeunes recrues. Dès leur arrivée, les esclaves sont mis au travail 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24… Ce juteux business a rapporté plusieurs milliards de dollars aux triades, mais aussi à l’état cambodgien qui prend sa part en échange de son silence. D’après les activistes cambodgiens, entre 120 000 à 200 000 personnes auraient été transformés en esclaves 2.0, et potentiellement plus.

Rachats d’esclaves

Suite de l’histoire. Voilà trois mois que Yijun est prisonnier dans son compound, et par miracle il a réussi via son PC à contacter un membre de sa famille qui a alors donné l’alerte au gouvernement taiwanais. Les geôliers viennent le trouver, le font entrer dans une pièce, une dizaine d’autres esclaves sont déjà présents, on le prend en photo. Les mafieux lui expliquent qu’il va être revendu à un autre compound. Ces ventes se font via la plateforme Telegram et elles concernent les prisonniers qui ne sont pas assez rentables ou trop rebelles. Le compound peut aussi être dans le rouge et être contraint de se séparer de certains éléments. Quelques jours après la vente, on sort Yijun du hangar avec les autres malheureux. Mais contrairement à eux, il ne monte pas dans le mini-bus sous contrôle des triades. Des officiers de police cambodgiens le récupèrent en échange d’une enveloppe bien remplie. Ils le conduisent à l’extérieur de la ville, et là il retrouve un membre de l’ambassade taiwanaise. Surprise, son pays l’a racheté. Yijun est désormais libre…

Le nombre de ces rachats est en augmentation, ce qui force le gouvernement cambodgien à ouvrir les yeux sous la pression des pays voisins. Le Cambodge commence donc à chasser les triades de son territoire mais elles avaient déjà prévu cette éventualité. Elles démontent leurs compounds et les réassemblent au Laos, dans le triangle d’or, région de tous les trafics, qui se situe à la frontière birmane. L’autre alternative des triades est d’installer leurs compounds en Birmanie, dans la ville de Myawaddy. Ces deux nouveaux points de chute présentent pour elles des avantages certains. Le triangle d’or est une zone de non droit, personne ne pourra y venir faire pression. Quant à la Birmanie, au ban de la communauté internationale, elle ignorera à son tour les complaintes de ses voisins et des instances internationales en échange de devises étrangères…

Par Théo Janvier – JournalDuNet.com – 1er décembre 2022

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