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Le Cambodge condamne l’opposant Kem Sokha à vingt-sept ans de prison pour trahison

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Pour les groupes de défense des droits, la condamnation du chef de l’opposition cambodgienne est politiquement motivée. Washington dénonce une « conspiration fabriquée ».

Arrêté en septembre 2017, Kem Sokha était accusé d’avoir voulu renverser le gouvernement cambodgien de Hun Sen, premier ministre au pouvoir depuis des décennies. Plus de cinq ans plus tard, le verdict est tombé. Le chef de l’opposition a été condamné, vendredi 3 mars, à vingt-sept ans de prison « pour collusion avec des étrangers au Cambodge et ailleurs », a déclaré le juge Koy Sao au tribunal de Phnom Penh.

Après le verdict, Kem Sokha, âgé de 69 ans, a été immédiatement conduit de la salle d’audience à son domicile, où il sera assigné à résidence et où il lui sera interdit de rencontrer quiconque, à l’exception des membres de sa famille. Sa maison est désormais sous surveillance policière selon un tweet de sa fille, Kem Monovithya. Il dispose d’un mois pour faire appel de la condamnation et de la peine d’emprisonnement, a déclaré aux journalistes l’un de ses avocats, Ang Udom.

Un procès qui a traîné

Figure de l’opposition et cofondateur du Parti du salut national du Cambodge (PSNC), aujourd’hui dissous, Kem Sokha a toujours contesté les charges. Le tribunal lui a également retiré le droit de vote et lui a interdit de se présenter à des fonctions politiques, ce qui l’empêche de prétendre au scrutin national du 23 juillet.

Le haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk, a demandé au gouvernement de libérer rapidement Kem Sokha. « Il est très inquiétant que le gouvernement royal du Cambodge continue de réprimer les opposants politiques et les médias indépendants à l’approche des élections de juillet », a-t-il déclaré.

Les Etats-Unis ont rapidement réagi par la voix de leur ambassadeur au Cambodge, présent au tribunal. Le procès de Kem Sokha et sa condamnation sont fondés sur une « conspiration fabriquée » et constituent une « erreur judiciaire », a déclaré W. Patrick Murphy aux journalistes. Le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, qui a rencontré Kem Sokha à Phnom Penh en août, s’est dit « déçu » par le temps qu’a pris la procédure judiciaire « motivée par des raisons politiques ». Le procès de Kem Sokha a traîné, notamment en raison des restrictions liées au Covid-19, qui ont provoqué un report des audiences de presque deux ans, jusqu’à la reprise en janvier 2022.

Hun Sen, au pouvoir depuis 1985 – soit le plus ancien dirigeant d’Asie –, a, selon ses détracteurs, fait reculer les libertés démocratiques, et la condamnation de M. Sokha s’inscrit dans la vague de répression lancée par le régime à l’encontre des voix dissidentes, dont certaines ont dû fuir le royaume de peur d’être arrêtées et poursuivies en justice. L’an dernier, des dizaines d’opposants, certains liés au PSNC, ont été condamnés à des peines de prison au cours de deux procès de masse, dénoncés par la communauté internationale.

Le PSNC avait réalisé une percée aux élections de 2013, remportant 55 sièges sur 123, avant d’être dissous quatre ans plus tard par la Cour suprême du pays. Lors du scrutin qui avait suivi, en 2018, le parti de Hun Sen avait raflé l’intégralité des sièges au Parlement, des résultats vivement contestés.

« Un manque d’indépendance ahurissant »

En l’absence d’opposition visible, le dirigeant cambodgien, ancien combattant khmer rouge entré en dissidence du mouvement, qui a gravi les échelons durant l’occupation du Cambodge par le Vietnam, se dirige à 70 ans vers une nouvelle victoire écrasante aux législatives de juillet. La fermeture jugée arbitraire de l’un des derniers médias indépendants du royaume, Voice of Democracy, à la mi-février, a ravivé les inquiétudes autour de la tenue d’élections libres et équitables.

L’ancien chef du PSNC et figure de l’opposition en exil, Sam Rainsy, qui vit en France depuis 2015 pour éviter la prison, en raison d’un certain nombre de condamnations qui, selon lui, sont motivées par des considérations politiques, a déclaré que le procès de Kem Sokha était fondé sur des « accusations fabriquées de toutes pièces ».

« Les autoritaires ont gagné » au Cambodge, a relevé auprès de l’AFP Phil Robertson, de l’ONG Human Rights Watch. « C’est la démocratie cambodgienne qui touche le fond. »

« Envoyer Kem Sokha en prison n’a pas seulement pour but de détruire son parti politique, mais aussi d’écraser tout espoir d’organiser de véritables élections générales en juillet. »

Le procès de Kem Sohka a illustré le « problème effrayant du contrôle de l’Etat sur le système judiciaire dans le pays », a déclaré le directeur exécutif du Centre cambodgien pour les droits de l’homme, Chak Sopheap.

Le recours aux tribunaux pour traquer les opposants « ne connaît aucune limite », selon Amnesty International. « Le système judiciaire cambodgien a une fois de plus fait preuve d’un manque d’indépendance ahurissant », a déploré, de son côté, Ming Yu Hah, directeur régional adjoint d’Amnesty International.

Le Monde avec Agence France Presse – 3 mars 2023

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