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Une enquête approfondie sur la microfinance au Cambodge pourrait être mise en suspens

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Une enquête prévue pour déterminer si des projets liés à la Société financière internationale (SFI), une organisation affiliée à la Banque mondiale, ont contribué à l’octroi de prêts abusifs au Cambodge a été remise en question.

En effet, l’enquête pourrait être retardée ou annulée après que la direction de la SFI a demandé, le 29 juin, au conseil d’administration d’examiner la décision d’enquêter du l’organisme de surveillance.

Le 13 juin, l’organisme de surveillance de la SFI, le Compliance Advisor Ombudsman (CAO), a déclaré qu’une enquête était nécessaire pour déterminer si les pratiques de prêt de six institutions de microfinance (IMF) et banques basées au Cambodge ont contribué à la souffrance des emprunteurs cambodgiens.

Ces banques – ACLEDA, Amret, Prasac, Hattha Bank, LOLC et Sathapana – sont liées à 18 projets actifs de la SFI soutenant des programmes de prêts pour les micro, petites et moyennes entreprises. Quatre intermédiaires financiers – Microfinance Enhancement Facility (MEF), Microfinance Initiative for Asia Debt Fund (MIFA), Advans S.A. et North Haven Thai Private Equity Fund L.P. – devaient également être examinés par le CAO.

Toutefois, l’enquête pourrait être retardée ou annulée après que la direction de la SFI a demandé, le 29 juin, au conseil d’administration d’examiner la décision d’enquêter du CAO.

Une plainte déposée en 2022

Le processus d’enquête a débuté en janvier 2022 lorsque deux ONG basées au Cambodge, la Ligue cambodgienne pour la promotion et la défense des droits de l’homme (Licadho) et Equitable Cambodia, ont déposé une plainte auprès du CAO pour mettre en évidence les mauvaises pratiques presumées en matière de prêts de plusieurs banques et IMF locales liées à la SFI.

Bien que l’évaluation du CAO ait conclu à la nécessité d’un examen plus approfondi, l’appel de la SFI pourrait conduire à l’annulation de l’enquête. En effetn une nouvelle procédure, instituée en 2021, permet à la direction de la SFI de demander une révision par le conseil de la décision du CAO pour des raisons techniques. C’est la première fois qu’une telle demande est formulée depuis la mise en œuvre de cette règle.

Selon Naly Pilorge, directrice de la sensibilisation de la Licadho, “La demande de la direction de la SFI d’un examen par le conseil d’administration, après que le CAO a décidé qu’une enquête était justifiée, est un stratagème honteux pour éviter un examen minutieux »

Une enquête est une étape cruciale vers la justice et la réparation pour les emprunteurs cambodgiens qui continuent de souffrir à cause des prêts abusifs

Une industrie de 10 milliards de dollars

Le Cambodge est l’un des pays où le secteur de la microfinance est le plus développé. Selon le rapport annuel de supervision 2022 de la Banque nationale du Cambodge, le total des actifs du secteur des IMF s’élevait à 10,8 milliards de dollars au 31 décembre 2022.

Si les microcrédits peuvent contribuer au développement des entreprises en offrant des capacités d’investissement aux emprunteurs, les mauvaises pratiques de prêt des IMF au Cambodge et les garanties excessives sont depuis longtemps critiquées par les défenseurs des droits de l’homme.

En juin 2021, la Licadho a publié un rapport mettant en lumière les expériences de personnes issues de 14 communautés dans huit provinces qui luttaient contre un endettement excessif lié aux microcrédits.

“La majorité de ces microcrédits sont garantis par les titres fonciers des emprunteurs, ce qui représente un risque sérieux pour la sécurité foncière des emprunteurs”, indique le rapport. “Presque tous les prêts sont assortis d’un taux d’intérêt annuel de 18 %, le maximum légal, alors que les taux d’intérêt effectifs peuvent être beaucoup plus élevés en raison des frais initiaux.”

Le rapport note qu’à la fin de l’année 2020, le microcrédit moyen au Cambodge s’élevait à 4 280 dollars, soit le montant le plus élevé au monde à ce moment-là, et représentait “plus que le revenu annuel de 95 % des Cambodgiens”. L’ONG a cité des études montrant que le secteur de la microfinance est fortement saturé, ce qui a entraîné une concurrence massive entre les prêteurs, qui a conduit à un démarchage agressif de porte à porte, ainsi qu’à une dépendance excessive à l’égard de la terre comme garantie.

“Le montant des prêts a augmenté plus rapidement que les revenus au cours des quinze dernières années. Cette croissance irresponsable a laissé les gens profondément endettés et vulnérables aux violations des droits de l’homme, car les emprunteurs sont poussés à entreprendre des actions désespérées pour rembourser les prêts”, indique le rapport, citant les ventes forcées de terres, les migrations dangereuses, la diminution de la nourriture ou le travail des enfants.

“Ces actions sont le résultat direct de la croissance rapide du secteur, qui a été alimentée par des investissements d’acteurs privés et publics, y compris la Société financière internationale (SFI) de la Banque mondiale et de nombreuses agences de développement d’État en Europe et aux États-Unis”, ajoute le rapport.

La plainte déposée par la Licadho et Equitable Cambodia, qui porte le nom de “Cambodge : Intermédiaires financiers 04”, visait à tirer la sonnette d’alarme au niveau international et à tenter de résoudre certains de ces problèmes.

La Commission dispose à présent de 10 jours ouvrables pour examiner la demande de la SFI. Elle peut soit autoriser la poursuite de l’enquête de conformité, soit annuler la décision du CAO, soit se donner un délai supplémentaire pour examiner la demande.

Par Phoung Vantha – Cambodianess / Lepetitjournal.com – 9 juillet 2023

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