En Thaïlande, le réformiste Pita Limjaroenrat échoue à devenir Premier ministre
Le candidat Pita Limjaroenrat a perdu jeudi 13 juillet le vote au Parlement pour être nommé à la tête du gouvernement thaïlandais, deux mois après la victoire éclatante de son parti Move Forward aux élections législatives.
Les portes du pouvoir lui restent pour l’instant résolument fermées. Pita Limjaroenrat, candidat victorieux aux élections législatives thaïlandaises, a perdu ce jeudi 13 juillet le vote au Parlement qui devait lui permettre d’accéder au poste de Premier ministre. Avec son profil réformiste et progressiste, il n’aura pas réussi à convaincre les sénateurs conservateurs et fidèles au pouvoir militaire.
Le 14 mai, à la surprise générale, les électeurs thaïlandais ont largement apporté leur soutien au parti Move Forward. La formation du député Pita Limjaroenrat, entrepreneur âgé de 42 ans, a remporté la majorité des sièges à la Chambre des représentants, écartant le Premier ministre sortant Prayut Chan-o-cha arrivé au pouvoir par un coup d’Etat militaire en 2014. «C’est une nouvelle ère qui s’ouvre pour le peuple thaïlandais», déclarait le leader de Move Forward au lendemain de sa victoire.
En faveur d’une réforme du crime de lèse-majesté
Dans le système électoral thaïlandais, après les élections législatives, un vote distinct du Parlement permet de désigner un Premier ministre. Pita Limjaroenrat n’a recueilli que 324 votes au lieu des 375 nécessaires pour devenir chef du gouvernement. Malgré le soutien d’une coalition majoritaire à la Chambre des représentants, il s’est heurté à l’opposition du Sénat, qui a jugé sa candidature trop radicale. Depuis l’adoption d’une nouvelle Constitution en 2016, l’ensemble des 250 sénateurs du pays sont nommés par l’armée, rendant difficile l’émergence d’un Premier ministre hostile aux militaires et au pouvoir royal. Selon l’ONG Human Rights Watch, la constitution de 2016 «renforce et prolonge le contrôle de l’armée sur le gouvernement». Or, au cours de sa campagne électorale, le candidat de Move Forward a mis en avant des propositions visant à réduire l’influence de l’armée, comme l’abolition du service militaire obligatoire. Surtout, Pita Limjaroenrat est en faveur d’une réforme du crime de lèse-majesté, qui sanctionne la critique du roi ou de sa famille jusqu’à quinze ans de prison. Le sujet reste sensible pour les conservateurs du pays, alors que le roi de Thaïlande est considéré comme une quasi-divinité.
Depuis la fin de la monarchie absolue en 1932, la Thaïlande a connu une douzaine de coups d’Etat. Après le putsch de 2014, le royaume a vu les libertés fondamentales reculer et son économie stagner. En 2020, après la dissolution du parti politique Future Forward (l’ancêtre de Move Forward), la jeunesse thaïlandaise a déferlé dans les rues du pays pour demander plus de démocratie et une refonte du système monarchique. Cet élan contestataire a porté la candidature de Pita Limjaroenrat, dont la formation a recueilli plus de 14 millions de voix aux élections législatives du mois de mai.
«Je ne vais pas abandonner»
Pourtant, la route est encore longue avant que le chef de file de Move Forward ne puisse réellement prétendre au poste de Premier ministre. En plus de l’opposition du Sénat, Pita Limjaroenrat doit faire face à des difficultés judiciaires qui mettent à mal ses ambitions politiques. La commission électorale l’accuse de détenir des actions dans une chaîne de télévision, en violation de la loi électorale. L’organisme demande la suspension de ses fonctions parlementaires.
«Je ne vais pas abandonner», a réagi le candidat déçu après le vote, promettant une nouvelle stratégie pour le prochain scrutin, prévu mercredi selon des médias thaïlandais. Députés et sénateurs se réuniront autant de fois que nécessaire, avec la possibilité qu’un candidat jugé plus consensuel, voire issu d’un autre parti, l’emporte.
Par Sarah Miansoni – Libération avec Agence France Presse – 13 juillet 2023
Articles similaires / Related posts:
- Thaïlande : le premier ministre confirme des législatives pour mai Les élections législatives en Thaïlande se tiendront en mai, a confirmé mardi le premier ministre Prayut Chan-O-Cha, candidat à sa réélection et qui prévoit de dissoudre le Parlement «en mars» comme la presse l’évoque depuis plusieurs semaines....
- Thaksin se dit « prêt à aller en prison pour rentrer en Thaïlande. » L’ancien premier ministre thaïlandais fugitif Thaksin Shinawatra a déclaré qu’il était prêt à purger sa peine de prison en Thaïlande à condition d’être autorisé à passer le reste de sa vie avec sa famille, quels que soient les résultats des prochaines élections....
- Le parti progressiste jeune en tête des sondages électoraux en Thaïlande Pita Limjaroenrat, chef du parti thaïlandais d’opposition Move Forward est sorti favori du dernier sondage demandant aux électeurs quel était leur candidat préféré pour le poste de Premier ministre ...
- Le Move Forward et le Pheu Thai vont-ils être dissous ? Une analyse pré-électorale de Philippe Bergues avant les législatives du 14 mai....
- Le mode de scrutin en Thaïlande Les électeurs thaïlandais élisent 500 députés au Parlement, dont 400 au scrutin uninominal majoritaire à un tour dans autant de circonscriptions, et 100 au scrutin de liste à la représentation proportionnelle dans huit régions....