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Dans l’enfer d’une prison au Laos, un Jurassien raconte sa captivité

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Tanguy Jacob, jeune road triper, a été enfermé dans une prison au Laos en mars dernier. Il témoigne de son angoisse dans cette cellule, pris au piège à l’autre bout du monde.

Tanguy Jacob témoigne de sa captivité dans une prison du Laos, enfermé en mars 2023.  Il s’agit de l’expérience la plus marquante de ce jeune aventurier, habitué aux voyages à travers le monde. 

Quand les policiers laossiens poussent Tanguy Jacob dans cette cellule, il est tétanisé par la peur. Le jeune homme de 22 ans se retrouve au milieu d’une trentaine de codétenus, tous des hommes, allongés les uns à côté des autres.

À peine a-t-il le temps de les apercevoir, que les policiers derrière lui le jettent à terre, le traînent, puis l’attachent par la cheville dans une sorte de « pilori ».

« C’était une longue planche en bois qui traversait toute la pièce », raconte Tanguy Jacob. « Les policiers la soulevaient et la baissaient pour la refermer sur nos chevilles. Toutes les six heures, on change de chevilles, on alterne les pieds. On ne pouvait pas vraiment bouger, et à peine changer de position. Mais aucune position n’était vraiment confortable, en fait », se remémore-t-il, le regard plongé dans le vide.

Une arrestation aux allures de kidnapping

C’est le début de ce qui va lui sembler être un long et terrible cauchemar. Dans l’obscurité de cette cellule plongée dans le silence, Tanguy Jacob ignore tout.

l ne sait pas précisément où il est, sinon au Laos, à plus de 9 000 kilomètres de chez lui. Il ne sait pas si ses compagnons de route le cherchent. Il ne sait pas combien de temps, il va rester là. Il ne sait même pas pourquoi il se retrouve-là.

Je pensais être en train de me faire kidnapper Tanguy Jacob

Le jeune Jurassien, qui a grandi près de Montmorot, consacre sa vie aux voyages : il a traversé la Guyane française, passé plusieurs mois en Guadeloupe, a été au Maroc, au Sénégal, en Gambie, en Malaisie et en Thaïlande, au Cambodge et finalement au Laos.

« En moyenne, depuis trois ans, je ne suis pas resté plus de cinq mois au même endroit ! » Mais pour la première fois depuis le début de ses aventures, Tanguy Jacob sait que son destin ne dépend plus de lui.

Il se souvient du moment de son arrestation. Une arrestation qu’il juge arbitraire et sans fondement. Les images de cet instant tournent en boucle dans sa tête : « Je n’ai pas compris ce qu’il se passait. J’étais dans la rue avec mes amis et des mecs en civil me sont tombés dessus. J’ai essayé de leur résister parce que je pensais être en train de me faire kidnapper, en fait ! » C’est seulement dans la voiture qu’il abandonne le combat et tente de se calmer. 

La liberté coûte 600 euros

Un calme qu’il tente de garder pendant sa détention, malgré la peur. « Les gardiens nous mettaient en joue avec des AK47 constamment, ils nous foutaient des coups de crosse dans le ventre gratuitement. On avait aussi des travaux forcés l’après-midi, où on tissait des filets de pêche. J’étais complètement brisé mentalement. »

Là, il perd espoir : « Soit je passe la fin de mes jours ici, soit je vais me faire buter. »

Les gardiens nous mettaient en joue avec des AK47 constamment. Tanguy Jacob

Pendant ce temps, ses amis s’activent. Ils tentent de retrouver sa trace et finissent par cibler la prison où il est enfermé. Les policiers donnent le tarif de sa libération : la caution est de 600 euros, soit presque huit mois de salaires au Laos. « Je n’avais plus cet argent, j’étais en fin de voyage et je prévoyais de rentrer… C’était impossible pour moi de payer. » 

Ses amis menacent alors les gardiens de prévenir l’ambassade de France : « Mais les gardiens leur ont répondu qu’ils n’en avaient rien à faire, que le Laos était un pays communiste, et que si mes amis contactaient l’ambassade, je ne les reverrais jamais. On était complètement soumis à leurs règles. » 

Pendant ce temps, Tanguy Jacob ignore tout des tractations de ses amis. Et l’idée lui vient de fuir : « Quand j’étais allongé par terre, je regardais le plafond, et j’ai remarqué que c’était en fait des bouts des bois assez fragiles. J’ai réussi à extraire ma jambe de la planche quand les gardiens l’ont soulevé. Et mon voisin, un vieil homme, a jeté sa chemise sur ma cheville pour la cacher du maton. Là, j’ai vraiment pensé à m’échapper. » Idée à laquelle il va finalement renoncer.

Une captivité qui va le marquer à vie

Ses amis répondent finalement au chantage des gardiens. Ils réunissent la rançon exigée, grâce à une dentiste originaire du nord de la France, en voyage au Laos au même moment. Tanguy Jacob aura finalement passé un jour et une nuit dans cette prison.

Mais il s’emmure alors dans le silence, incapable d’exprimer ce qu’il vient de vivre, incapable de trouver l’interlocuteur prêt à l’entendre.

Le jeune voyageur mettra du temps pour exprimer cette expérience traumatisante. « Je vois encore les regards que j’ai échangés avec les hommes de cette cellule au moment de sortir. Je me demandais comment je pouvais faire pour les aider, à tous sortir de là… »

Si aujourd’hui Tanguy Jacob sait qu’il restera marqué pour longtemps par cette captivité, il affirme qu’il continuera à voyager. Et même les cicatrices des menottes laossiennes sur ses poignets ne l’empêcheront pas de parcourir le monde.

Par Valentin Machard – Voix du Jura – 13 août 2023

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