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Hun Manet, le nouveau (faiseur de) roi du Cambodge

La semaine dernière le nouveau Premier ministre du Cambodge, Hun Manet, a pris ses fonctions. Il succède à… son père à la tête du petit pays d’Asie du Sud-Est. L’analyse de Sophie Boisseau du Rocher .

Les événements se succèdent selon une mécanique huilée au royaume du Cambodge. Après avoir condamné Kem Sokha, opposant, à vingt-sept ans de prison en mars, après avoir interdit la participation aux élections législatives du Parti de la Bougie (principal parti d’opposition) en mai, Hun Sen annonce quelques jours avant le scrutin qu’il pourrait passer le relais à son fils, Hun Manet. Peu d’observateurs le prennent au sérieux. Les résultats prévisibles d’un scrutin verrouillé – 120 des 125 sièges au Parti du Peuple Cambodgien – donnent toute latitude au Premier ministre sortant. Celui-ci annonce que non seulement il passe le relais, mais que les principaux ministres doivent faire de même : transmettre leur poste à leur progéniture. Le système dynastique est bien rodé.

Qui est Hun Manet ?

Hun Manet est l’aîné des six enfants d’Hun Sen. Élevé pendant la guerre civile dans des conditions difficiles, il a connu le confort des élites après le coup d’État perpétré par son père en 1997. Formé à l’Académie militaire de West Point aux États-Unis, il complétera son parcours en économie à New York puis à Bristol, au Royaume-Uni. Il est donc à l’aise avec le mode de pensée et d’expression occidental. Mais il l’est aussi avec ses partenaires asiatiques que son poste de commandant en chef de l’armée lui a permis de rencontrer. Son défi sera de proposer des solutions nouvelles à des problèmes anciens, notamment la dépendance à la Chine, l’avenir bouché d’une jeunesse désabusée, une corruption endémique et des réseaux clientélistes qui partout contrôlent l’accès aux ressources. Ces réseaux prospèrent à l’ombre du système patrimonial du PPC qui distribue les récompenses : le gouvernement actuel compte 1 422 fonctionnaires occupant des postes de secrétaires ou de sous-secrétaires d’État, les deux rangs inférieurs à celui de ministre, soit une augmentation de 121,8 % par rapport au gouvernement précédent !

Un système politique féodal

Au Cambodge, le pouvoir passe par les relations personnelles et contourne largement les institutions politiques formelles. Plutôt que de servir l’État et le bien commun, les fonctionnaires servent tel ministre ou tel fonctionnaire (voire telle famille) qui les dirige ; et les salaires étant bas, ils sont implicitement autorisés à tirer avantage de leurs positions pour les compléter. Dans ce contexte d’inflation politico-bureaucratique, on voit mal comment Hun Manet va assainir les réseaux de patronage du PPC.

Liens de dépendance

Ces liens de dépendance à l’intérieur de l’État-PPC, on les retrouve avec la Chine. La question qu’on pose naturellement est de savoir si, en raison de son éducation « occidentale », Hun Manet réussira à desserrer l’étreinte chinoise ? Peu de chance tant Pékin contrôle concrètement les réseaux cambodgiens : une présence économique dominante (25 % du commerce extérieur cambodgien, 60 % des investissements directs, plus de 50 % de la dette du pays…), une influence sécuritaire en hausse (via les exportations d’armes, la base de Sihanoukville ou les exercices communs), ou plus obscurément, l’implantation des mafias chinoises. Certes, des opportunités peuvent se présenter pour les entreprises américaines ou européennes, mais il ne faut pas se faire d’illusion.

Qui est le roi ?

Dernier point, le roi au Cambodge est une figure identitaire centrale. À l’automne 2004, Hun Sen avait fait pression sur le Conseil du Trône pour choisir Norodom Sihamoni parmi les prétendants. Effacé, célibataire et sans enfant, celui-ci présente le profil parfait pour laisser la place. Devinez qui pourrait en profiter ?

Par Sophie Boisseau du Rocher – Ouest France – 2 septembre 2023

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