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Birmanie : la serveuse de bar qui a arrêté un agent nord-coréen il y a 40 ans

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Il y a quarante ans, Dar San Ye arrêtait un agent nord-coréen dans une rivière de Rangoun – un scénario digne d’un roman d’espionnage, qui a donné à cette serveuse birmane un rôle inattendu dans l’histoire tourmentée de la péninsule coréenne.

Le dimanche 9 octobre 1983, un commando nord-coréen a tenté d’assassiner le président de la Corée du Sud, Chun Doo-hwan, lors de sa visite à Rangoun, à l’époque capitale de la Birmanie.

Quelque 21 personnes, dont 17 Sud-Coréens, ont péri dans l’explosion d’une bombe qui a détruit le mausolée dédié à Aung San, le père de l’indépendance de la Birmanie.

Mais le président Chun, en retard, n’était pas sur place et a échappé à l’attentat.

Le massacre a ravivé les menaces de représailles entre les deux Corées ennemies.

L’une des héroïnes de cet épisode habite aujourd’hui dans la banlieue de Rangoun, où elle survit grâce à la solidarité locale, à hauteur d’une quinzaine d’euros par jour.

“J’ai 87 ans… Je ne veux pas d’argent. A mon âge, tout ce que je veux, c’est méditer à la maison, tenir une petite boutique et rester chez moi”, confie à l’AFP Dar San Ye.

Elle est la dernière membre vivante du commando improvisé de quatre personnes qui a arrêté au péril de leur vie un agent nord-coréen impliqué dans l’attentat.

Dar San Ye travaillait dans un bar sur les bords de la rivière Pazundaung, quand les nouvelles d’une explosion au mausolée sont arrivées à ses oreilles.

“Je me suis dit que les responsables seraient capturés parce que nous sommes dans un pays bouddhique et que nous sommes protégés par les bons esprits”, se souvient-elle, entre deux bouffées du cigare traditionnel birman qu’elle fume.

“Are you my friend ?”

Dans la soirée, alors que la chasse à l’homme bat son plein pour retrouver les auteurs de l’attentat, en fuite, elle entend des cris alertant de la présence d’un voleur dans la rivière.

“L’homme avait de l’eau jusqu’à la taille. Je l’ai appelé par un geste de la main: +mg lay+ (+petit frère+ en birman), +viens ici, viens ici !+”, raconte Dar San Ye.

“Il me fixait. Je me suis alors souvenu qu’il ne pouvait pas comprendre le birman. Alors j’ai utilisé une phrase que j’avais l’habitude de dire pour me moquer des Anglais. Je lui ai demandé: +Are you my friend ?+ (+Es-tu mon ami ?+).”

“Il m’a dit +oui, oui. Vous êtes chinoise ?+ et il m’a tendu la main.”

Trois hommes de la foule d’une centaine de badauds interviennent alors pour l’aider à sortir de l’eau. Mais au moment de retrouver la berge, il commence à se défendre.

Après avoir essayé de fuir en courant, il dégoupille une grenade. “Mais la grenade était mouillée, ça a explosé dans sa main. Il n’avait plus de main gauche. Sur sa main droite, il ne restait que le pouce.”

“Après ça, il a sauté à nouveau dans l’eau et je l’ai suivi… Quand il est apparu à la surface, je l’ai frappé à la nuque”, explique Dar San Ye, dont le courage a fait l’objet de nombreux documentaires de médias birmans.

Vêtements et argent

L’homme en question s’appelait Kim Jin Su, l’un des trois membres de l’équipe missionnée pour tuer le président Chun.

Il a été pendu en prison après avoir refusé de répondre lors des interrogatoires.

Kang Min Chol, un capitaine de l’armée populaire de Corée du Nord, a aussi été arrêté après avoir tenté de se suicider avec une grenade. Il est mort en prison à Rangoun en 2008.

Le dernier membre a été tué lors d’une fusillade avec les forces de sécurité birmanes.

Un rapport de la CIA a noté qu’il y avait des “preuves très solides” liant Pyongyang à la tentative d’assassinat.

Pyongyang a rejeté les accusations et assuré que Séoul était à l’origine de tout ça.

Peu de temps après l’arrestation, le gouvernement birman a offert des vêtements et de l’argent à Dar San Ye et aux trois hommes qui l’ont aidée.

“Depuis, ils ne sont jamais venus me revoir”, déclare Dar San Ye, qui garde la copie abîmée par le temps d’un certificat d’honneur comme dernière trace de son acte.

La Birmanie et la Corée du Nord, deux pays notoirement isolés sur la scène internationale, ont renoué leurs liens diplomatiques en 2007, plus de 20 ans après l’attentat.

Le mausolée d’Aung San a été reconstruit, mais la junte actuelle l’a fermé depuis le coup d’Etat de 2021 qui a renversé Aung San Suu Kyi, la Nobel de la paix et fille d’Aung San.

Le Point avec Agence France Presse – 12 octobre 2023

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