Vers une information indépendante au Cambodge ?
Comment garantir une information libre et transparente au Cambodge alors que les journalistes travaillent sous l’égide d’entreprises privées ? Cette épineuse question est actuellement discutée par le ministère de l’Information, qui souhaite rétablir la transparence de l’information et la crédibilité dans les médias.
Dernièrement, le propriétaire du Top Diamond Casino, un casino situé à Phnom Den, a déclaré ne plus pouvoir subventionner des centaines de journalistes. Pour pallier ce problème, le gérant a demandé des aides de la part des autorités.
Hélas, le ministre de l’Information Neth Pheaktra a bien sûr exigé que ces journalistes et les médias qui les emploient cessent immédiatement de demander de l’argent au casino, au motif que cela était contraire à l’éthique professionnelle telle qu’elle est énoncée dans la loi sur la presse.
Mais il a également demandé au propriétaire du casino d’expliquer les raisons pour lesquelles il subventionnait ces journalistes et leurs médias. Recevaient-ils de l’argent pour valoriser le casino, pour ne pas écrire de mauvaises choses ou pour ne pas écrire du tout ? Ce sont des questions auxquelles des réponses seraient les bienvenues.
Un financement des médias par le secteur privé
Soyons clairs : les médias reposent sur le financement d’entreprises pour survivre, et cela passe par la publicité sous forme d’annonces ou de publireportages. Les lecteurs ou auditeurs doivent pouvoir faire une différence entre un contenu neutre et l’un sous influence commerciale. Et si un média doit aborder un sujet impliquant une entreprise liée financièrement, une divulgation complète est alors requise de la part du média.
Cela dit, les relations commerciales entre les médias et les intérêts privés ne doivent jamais se faire directement par l’intermédiaire des journalistes : Les entreprises paient les médias pour des publicités et cet argent est utilisé par les médias pour payer leurs journalistes.
Sauf qu’ici, il est rare que cela se déroule de cette façon et l’affaire Top Diamond Casino en est l’illustration exemplaire.
Nombreux sont les médias qui ne paient pas, ou très mal, leurs journalistes. Ces derniers sont incités à recevoir de l’argent directement d’entreprises ou d’institutions qu’ils couvrent.
Résultat : l’information proposée au public est biaisée car il s’agit d’une publicité déguisée. Et dans le pire des cas, les pratiques de certains médias ou journalistes relèvent purement et simplement de l’extorsion de fonds.
Mais globalement, le couple entreprises/médias fonctionne en harmonie selon un modèle économique pervers qui porte fondamentalement atteinte au droit des personnes à une information indépendante et équilibrée.
Au-delà des explications et clarifications que les différentes parties dans cette affaire Top Diamond Casino apporteront au ministre et des mesures qu’il prendra, il faut y voir la partie émergée de l’iceberg que constituent les ententes occultes entre le monde de l’information et les intérêts privés ou institutionnels qui sont la règle depuis des décennies.
Une chose semble sûre : tant que les journalistes ne se verront pas garantir par leurs employeurs des salaires corrects leur permettant de travailler réellement en toute indépendance, il sera vain d’espérer mettre un terme à ces pratiques douteuses, voire illégales.
C’est un chantier parmi d’autres que le ministère de l’Information et les associations de journalistes devraient lancer pour que cette affaire Top Diamond, au lieu de nuire à la profession en montrant sa vénalité, l’aide à gagner en dignité et en crédibilité.
Lepetitjournal.com avec Cambodianess – 21 octobre 2023
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