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En Birmanie, la junte est asphyxiée de toute part

L’armée birmane ne cesse de perdre du terrain face à des mouvements rebelles. Entre démotivation des troupes et faible soutien diplomatique à la junte, la guerre civile semble avoir basculé dans le camp de la résistance armée.

C’est une victoire importante pour les troupes de la Myanmar National Democratic Alliance Army (MNDAA). Jeudi 4 janvier, ce groupe de résistance armé a repris la ville de Laukkai, capitale de la zone auto-administrée de Kokang, située dans le nord de l’État de Shan, au centre-est de la Birmanie. Il a contraint à la reddition le commandement militaire régional. Une défaite sévère pour la junte.

Depuis le 27 octobre 2023, les forces armées birmanes font face à une forte offensive qui a débuté dans le nord-est du pays et qui s’est étendue à plusieurs États. L’opération 1027, lancée par l’Alliance de la fraternité composée de la Ta’ang National Liberation Army (TNLA), l’Arakan Army (AA) et la MNDAA, a eu un effet boule de neige. D’autres groupes ethniques ont décidé de se rebeller à leur tour dans des affrontements directs avec l’armée birmane.

Pour la première fois depuis le coup d’État militaire de 2021, le régime au pouvoir semble asphyxié de toute part. « La junte ne contrôle même pas la moitié du pays », constate David Camroux, chercheur honoraire au Centre de recherches internationales (CERI), et spécialiste de l’Asie du Sud-Est. Selon lui, « le seul avantage militaire de la junte, c’est le domaine aérien ». Ce dimanche encore, au moins 15 personnes, dont des enfants, ont été tuées dans des frappes aériennes contre un village du nord-ouest du pays.

La junte en pénurie d’hommes

Malgré une supériorité dans ce domaine, le Tatmadaw, l’organisation militaire birmane, fait face à une pénurie d’hommes sur le terrain. En trois ans, l’armée serait passée de 350 000 soldats à moins de 100 000. Outre la désertion, David Camroux pointe un manque de motivation : « On voit que les soldats n’ont plus envie de mourir pour Min Aung Hlaing, le premier ministre et général à la tête de la junte. »

« Être soldat dans l’armée birmane, c’est être maltraité », explique Frédéric Debomy, ancien président de l’association Info BirmanieLors de la bataille de Laukkai, 2 400 hommes, dont trois généraux, se sont rendus sans vraiment résister, comme si l’armée au front était en train de lâcher ses dirigeants. Pour faire face à cette pénurie, « on envoie au casse-pipe des jeunes qui ne sont pas formés. Dans d’autres régions, on forme aussi les épouses pour s’occuper des munitions », explique David Camroux.

« L’unité nationale est la clé »

Alors que la junte est fragilisée, et que les alliances armées reprennent du terrain, l’espoir d’une unité nationale renaît. Certes, certains groupes ethniques défendent prioritairement leurs intérêts, mais « l’unité nationale est la clé, et ce qu’il se passe en ce moment est encourageant », estime Frédéric Debomy.

Depuis la prise de pouvoir de la junte, un gouvernement en exil, qui prend en compte les minorités ethniques, prépare l’après-guerre. Son objectif est d’établir un État fédéral, réunissant les 135 groupes ethniques du pays. « Tout n’est pas parfait, mais par exemple ils ont pris position en faveur des Rohingyas, une minorité musulmane menacée par l’armée birmane », se félicite-t-il, avant de signaler que « Pékin a souhaité s’entretenir avec eux ».

Alors que la Chine est l’un des rares pays, avec la Russie, à soutenir la junte birmane, elle ne souhaite qu’une seule chose : défendre ses intérêts. Selon certains observateurs, elle fournit des armes à l’armée birmane mais elle serait aussi en contact avec des groupes ethniques à sa frontière.

Que ce soit sur le front militaire, politique interne ou diplomatique, le régime du premier ministre, Min Aung Hlaing, perd de son influence. « Malgré la situation actuelle, cette junte a une capacité de résistance dans les grandes villes, notamment Naypyidaw, Mandalay et Rangoun », rappelle David Camroux. La date du 1er février 2024, troisième anniversaire du coup d’État, sera importante car « des choses symboliques se préparent dans les deux camps », prévient-il.

Par Kilian Bigogne – La Croix – 11 janvier 2024

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