Pourquoi le Premier ministre cambodgien était en visite officielle en France ?
Le Premier ministre cambodgien Hun Manet était en visite officielle à Paris la semaine passée. Dans les médias locaux, la relation France-Cambodge a été à l’honneur tout au long de la semaine dernière.
C’est la troisième fois en à peine plus d’un an que le président français reçoit un haut-dignitaire cambodgien à l’Élysée.
Emmanuel Macron avait déjà reçu le père de Hun Manet, Hun Sen, ancien Premier ministre du Cambodge en décembre 2022, puis le roi Norodom Sihamoni en novembre 2023. Ces deux derniers avaient déjà des déplacements prévus en Europe.
En revanche, la visite de Hun Manet nommé Premier ministre en août dernier, s’est faite sur invitation expresse de l’Élysée. Des visites qui se multiplient alors que les relations politiques entre les deux pays étaient un peu au point mort depuis plusieurs années.
Que retiennent les médias cambodgiens de cette dernière visite ?
Au-delà d’une volonté de rapprochement affichée, on peut évoquer quelques potentiels accords futurs dans le domaine de la préservation du patrimoine. Des encouragements, aussi, venus de Paris vis-à-vis de la candidature de Phnom Penh pour l’accueil du sommet de la Francophonie en 2026.
Pour le Premier ministre cambodgien, la visite était aussi une opération séduction sur le plan économique. Il a été reçu au Medef lundi dernier où il a rencontré des représentants des groupes Total, Vinci ou Accor, déjà présents au Cambodge, mais aussi de EDF ou Alstom. Trois accords de coopération avec l’Agence française de Développement ont également été ratifiés lors de la visite pour un montant de 215 millions d’euros.
Lla plupart de ces annonces étaient déjà connues en amont. Doit-on pour autant en conclure qu’il s’agissait d’une simple visite de courtoisie ?
D’une certaine manière oui, mais elle n’est pas anecdotique pour autant. Depuis 2017, le Cambodge s’est attiré des critiques venues de démocraties occidentales suite à une dégradation des libertés fondamentales, qualifiée par certains de dérive autoritaire.
Une succession dynastique à la tête du gouvernement s’est concrétisée l’été dernier au terme d’élections sans opposition viable, avec la passation du poste de Premier ministre du père au fils. Plusieurs observateurs ont ainsi acclamé ou déploré l’accueil français pour se rejoindre sur le fait que la visite permet à Hun Manet d’asseoir un peu plus sa légitimité.
En même temps, c’est en lisant les derniers paragraphes de la déclaration commune des deux dirigeants qu’on comprend l’objectif de ces démonstrations d’amitié. Celle-ci envisage un renforcement « des relations bilatérales dans la perspective d’atteindre un partenariat stratégique », le plus haut niveau de relation diplomatique.
L’Europe, la France en tête, pousse pour un réengagement stratégique dans la zone Asie-Pacifique où elle se sait très en retard face à la montée en puissance de Pékin, acteur incontournable dans la zone.
En face, le Cambodge est l’un des principaux alliés politiques de la Chine dans la région, mais il sait qu’il doit continuer à jouer le multilatéralisme à l’heure d’un ralentissement de l’économie chinoise et de la montée de tensions sur la scène internationale.
C’est la première fois qu’un partenariat stratégique est évoqué entre les deux nations.
Par Juliette Buchez – Radio France Internationale – 22 janvier 2024