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Notre usine au Vietnam

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Pas besoin d’être une grande multinationale obnubilée par les profits pour avoir « son » usine en Asie. Au dernier comptage, l’entreprise MOS de Québec avait six employés permanents, à qui viennent prêter main-forte, au besoin, une dizaine de collaborateurs « sporadiques ».

Et pourtant, ses supports pour toit de véhicule sont fabriqués à un peu moins de 14 000 kilomètres de distance, à Giang Dien, au nord-est de Hô Chi Minh-Ville, dans le sud du Vietnam. 

« On a fait nos devoirs », explique le jeune président et fondateur de la petite entreprise, Joey Hébert. Bien forcés d’admettre qu’ils ne trouveraient pas de compagnie au Québec — ni ailleurs au Canada ou dans les alentours — pouvant leur fabriquer leur nouveau type de supports articulés pour vélo, kayak ou coffre à un volume et à un coût commercialement viables, ce diplômé en administration des affaires de 31 ans et ses associés ont cherché des solutions de rechange qui répondraient à leurs critères, non seulement techniques et économiques, mais aussi environnementaux et sociaux.

Faire comme tout le monde et se tourner vers la Chine ? Pas avec les tarifs commerciaux de 25 % imposés par les États-Unis ni avec les conditions de travail « exécrables » constatées dans la bonne demi-douzaine d’usines visitées sur place.

Alors, le Mexique ? Pas plus. Étonnamment, l’empreinte carbone serait alors plus élevée qu’avec l’Asie, notamment parce que le transport par train et par camion est plus polluant que par navire.

MOS a choisi finalement de faire affaire avec VPIC (pour Vietnam Precision Industrial Joint Stock Company), une entreprise créée au Vietnam en 1994 par des capitaux taïwanais, qui compte trois usines et plus de 3000 employés et dont le chiffre d’affaires a dépassé les 120 millions $US en 2022. La compagnie compte de gros clients au Canada (BRP), aux États-Unis (Harley-Davidson), au Japon (Suzuki) et au Vietnam (VinFast), mais aussi de plus petits, comme MOS.

Plus que des exécutants

Évidemment, c’est aussi notamment en raison des prix de fabrication, qui y sont de trois ou quatre fois inférieurs, dit Joey Hébert. Il y a aussi que le Canada et le Vietnam sont tous deux signataires du Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP). Mais ce n’est pas tout. 

« Ils ne sont pas de simples exécutants pour nous. Ils nous conseillent sur les étapes de fabrication, d’assemblage et de logistique, raconte Joey Hébert. On a été agréablement surpris de voir la qualité de l’environnement de travail et des normes de santé et sécurité de la compagnie et de ses fournisseurs. Je peux vous dire que j’ai vu des choses, dans certains endroits au Québec, qui m’ont beaucoup plus fait grincer des dents qu’au Vietnam. »

Pour VPIC, le fait de travailler avec de plus petits clients permet de rester en contact avec les dernières tendances et innovations, en plus de continuer de stimuler son équipe d’ingénieurs et de techniciens. « Et on ne sait jamais. Certaines de ces petites entreprises peuvent, un jour, devenir grosses », dit un responsable de la compagnie qui, pour respecter les préséances hiérarchiques et les codes culturels vietnamiens, a préféré ne pas être nommé.

L’usine où l’on se trouve couvre une superficie équivalant à une trentaine de terrains de football. Comme c’est souvent le cas dans la région, elle est principalement constituée d’immenses bâtiments dont les murs de béton se terminent et sont couverts par de la tôle ondulée, dans laquelle de grandes ouvertures peuvent être faites pour aider à la ventilation et à réduire la chaleur du jour. 

Portant des vêtements de travail et des casquettes gris, des ouvriers y sont aux commandes d’immenses machines et de robots qui pressent, plient, fondent et découpent toutes sortes de formes que d’autres, plus loin, assemblent, peinturent et emballent. À la fin de la chaîne, on parvient ainsi à remplir une cinquantaine de conteneurs chaque semaine, prêts à être expédiés aux quatre coins de la planète dans un mouvement des corps et des machines plutôt calme et moins bruyant qu’on aurait pu l’imaginer.

« Ici, vous ne pouvez pas prendre de photos, parce que c’est leur prochain modèle », prévient notre guide à propos de cadres de vélo sur lesquels travaillent des ouvrières et qui doivent ensuite prendre le chemin des États-Unis.

Importer pour pouvoir exporter

Contrairement aux produits fabriqués en Chine, qui ont peut-être acquis une mauvaise réputation ces dernières années, ceux qui viennent du Vietnam sont bien acceptés par l’opinion publique en Amérique du Nord, pense Joey Hébert. Bloquée dès le départ dans son lancement par les bouleversements des chaînes d’approvisionnement provoqués par la pandémie de COVID-19, sa jeune entreprise doit aujourd’hui composer avec l’effondrement de la demande de matériel de plein air, les consommateurs ayant déjà rempli leurs armoires et leurs remises durant les années d’enfermement sanitaire en plus d’accuser maintenant le coup de la montée de l’inflation et du ralentissement économique. « On n’a pas été chanceux. On regarde ce qu’on pourrait aussi faire du côté des provinces de l’Ouest et des États-Unis, où le contexte reste plus favorable. »

Le jeune entrepreneur n’est pas du genre à se plaindre, mais il s’étonne tout de même de voir comment l’aide publique aux entreprises s’arrête souvent aussitôt qu’il n’est plus seulement question de vendre des produits et services à l’étranger, mais aussi d’en acheter. « Je trouve ça dommage. Quand on parle d’encourager le commerce, c’est habituellement seulement en matière d’exportations, alors qu’il faut souvent savoir importer pour pouvoir exporter. On mise beaucoup sur la promotion des entreprises locales, et seulement locales. Mais parfois, la seule façon de pérenniser une entreprise locale est qu’elle incorpore à son fonctionnement des éléments qui viennent d’outremer. »

Témoin et acteur de l’Histoire

Âgé de 35 ans, notre hôte chez VPIC a le sentiment d’être à la fois témoin et acteur d’une période de transformations importantes dans son pays. Cela se fait notamment au prix d’un développement des infrastructures de transport, économiques et énergétiques qui a du mal à suivre le rythme de la croissance économique, constate-t-il. « Nos routes sont parfois endommagées par les fortes pluies et ne sont probablement pas aussi belles qu’au Canada », se risque-t-il à supposer.

« C’est une chance de vivre en cette période d’effervescence pour notre pays. Sur une base personnelle, toutes sortes de possibilités s’offrent à nous et aux générations qui nous suivent. Mais on a aussi le sentiment de pouvoir participer à une étape importante de la construction de notre pays. »

Par Éric Desrosiers – Le Devoir – 24 janvier 2024

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