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En attendant le bac vert au Vietnam

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Spécialiste de l’économie circulaire, la compagnie québécoise Lavergne constate que même les outils les plus simples de développement durable ont du mal à suivre le rythme du développement économique au Vietnam.

L’entreprise montréalaise a mis au point un procédé physique qui permet de redonner au plastique recyclé les mêmes propriétés et au même prix que la résine vierge de la meilleure qualité, mais avec une empreinte carbone de 80 % à 90 % inférieure. Comme les plus grands utilisateurs de plastique sont les manufactures en Asie et que ces dernières cherchent de plus en plus à raccourcir leurs chaînes d’approvisionnement et leur délai de livraison, la compagnie a naturellement voulu s’installer à leur côté et a élu domicile au Vietnam. Mais voilà, ce pays, comme les autres économies en développement de la région, n’a pas de système de récupération du plastique.

« Nous sommes arrivés au Vietnam un peu par hasard, il y a 13 ans, et nous en sommes très contents », raconte Jean-Luc Lavergne, le fondateur et chef de la direction de l’entreprise qui compte aussi des usines au Québec, en Belgique et à Haïti. « Nous n’avons toujours pas de clients dans le pays, mais notre objectif est de desservir l’Asie. La Chine est à seulement quatre jours de bateau, la Thaïlande et la Malaisie sont tout aussi proches… »

Les pieds dans le sable

L’usine vietnamienne de Lavergne est à Da Nang, sur les bords de la mer de Chine méridionale, au milieu de ce pays en forme de banane. Les longues plages de sable de la cité balnéaire attirent chaque année des millions de Vietnamiens en congé et de touristes étrangers, notamment de Corée du Sud et de Chine. Les modestes auberges pour routards désargentés qui bordaient une petite route de bord de plage, il y a 15 ou 20 ans, ont été remplacées par de rutilants complexes hôteliers et des bars branchés. La pandémie de COVID et l’actuel passage à vide de l’économie chinoise ont toutefois frappé durement, laissant en plan de prétentieux hôtels et un casino clinquant à moitié terminés.

Dans un quartier industriel à moins de dix minutes de la plage, l’usine de Lavergne est, somme toute, relativement modeste. Tout de suite passé la barrière, on tombe sur un joli petit bâtiment blanc de deux étages entouré d’arbustes et de fleurs où se trouvent les bureaux. L’usine proprement dite se trouve juste derrière. Contrôlée par une poignée d’employés, elle tient à un long bâtiment aux murs et au toit de tôle ondulée qui abrite les machines de production, un petit laboratoire pour les contrôles de qualité et d’immenses sacs dans des boîtes de carton qui contiennent, à une extrémité, du plastique recyclé qui a été livré sous forme de flocons et, à l’autre extrémité, de toutes petites billes de plastique classées par couleurs prêtes à être expédiées.

La matière première de Lavergne vient de systèmes de collecte sélective et est destinée, une fois transformée, à être utilisée par les industries de l’électronique, de l’automobile, des électroménagers ou encore de l’équipement de bureau. À certains de ses clients, comme le fabricant américain d’équipement informatique Hewlett-Packard, Lavergne assure une chaîne logistique en boucle fermée qui permet, par exemple, de récupérer ses vieilles cartouches d’encre pour en recycler le plastique et en faire la matière première pour fabriquer des cartouches neuves. « On a calculé que des cartouches en sont déjà ainsi à leur dixième cycle de vie complet. C’est la tendance qu’on voit à long terme dans l’industrie. On est donc loin, ici, de simplement parler de récupérer le plastique pour faire des bancs de parc », explique Jean-Luc Lavergne.

Recyclage et barrières vertes

Le problème, dit-il, c’est qu’à part les économies les plus développées, comme le Japon, Taïwan et la Corée du Sud, les pays d’Asie de l’Est et du Sud-Est n’ont pas de système de collecte de matière recyclable. « La récupération y est généralement laissée à de petits acteurs privés, dans des systèmes informels, et où l’on contentera souvent de récupérer les matériaux plus précieux et de brûler le reste. Vous comprendrez qu’on ne peut pas se fier là-dessus pour notre approvisionnement. »

Des discussions entre la compagnie québécoise et les autorités locales ont été engagées pour aider ces dernières à mettre en place de premiers mécanismes de collectes de matière recyclable. « Mais on n’y est pas encore. »

En attendant, Lavergne fait venir ses flocons de plastique recyclé de ses usines du Canada, des États-Unis, mais surtout d’Haïti. « Ce n’est pas l’idéal, mais on n’a pas le choix pour le moment. »

En plus d’aller à l’encontre de l’objectif de raccourcir les chaînes d’approvisionnement, cette solution se révèle plus compliquée qu’il n’y paraît. En effet, après avoir servi pendant des années de poubelles aux économies riches qui y expédiaient leurs déchets en prétendant qu’ils y seraient correctement recyclés, les pays de la région ont érigé des « barrières vertes » visant à interdire cette forme tordue d’importations. Mais voilà, il peut être long et ardu de convaincre les autorités locales que les délicats flocons de plastique recyclé importés du Canada ou d’Haïti ne sont pas de simples déchets.

C’est entre autres l’obtention de ce genre de permis d’importation qui retarde le projet de Lavergne de trouver un endroit au Vietnam où l’entreprise pourrait multiplier par cinq l’espace dont elle y dispose pour sa production. Elle regarde aussi ce qu’elle pourrait faire ailleurs dans la région.

Son patron garde toutefois bon espoir de disposer bientôt de sources d’approvisionnement locales de plastique recyclé. « La pression se fait de plus en plus forte sur les entreprises et les gouvernements pour s’occuper des produits en fin de vie. Et quand des pays, comme la Chine, par exemple, vont finalement décider de bouger, je m’attends à ce que cela aille ensuite pas mal plus vite que cela a été le cas, à l’époque, chez nous, en Amérique du Nord. »

Par Éric Desrosiers – Le devoir – 22 janvir 2024

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