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Birmanie : premiers revers pour la junte militaire

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Près de trois ans jour pour jour après le coup d’État en Birmanie qui a renversé un gouvernement élu et mis brutalement fin à une parenthèse démocratique de dix ans, le pouvoir birman montre les premiers signes de faiblesse sur fond de vastes offensives rebelles. Peut-on déjà parler d’un tournant ?

Si l’on en croit la rumeur, seul indicateur de l’opinion dans un pays sans presse libre et fermé au monde extérieur depuis trois ans, les jours au pouvoir du général putschiste Min Aung Hlaing seraient comptés. Une manifestation de centaines de soldats mécontents dans les rues de plusieurs villes du nord birman la semaine dernière a même laissé se murmurer qu’un contre-coup d’État était en cours.

Chose impensable il y a encore quelques mois dans une Birmanie tenue d’une main de fer et repris par ses vieux démons dictatoriaux, le pouvoir militaire est entré dans une profonde zone de turbulences opérationnelles et structurelles depuis le déclenchement d’une série d’audacieuses offensives rebelles aux quatre coins de cet immense pays d’Asie du Sud-Est. L’opération « 1027 » de la résistance armée, lancée en novembre dernier, a déjà provoqué la chute de 35 villes, dont certaines proches de Naypidaw, la capitale, sans compter les centaines de bases abandonnées par une troupe en retraite et, du jamais vu dans l’histoire de la Tatmadaw, l’armée birmane, la reddition de milliers de soldats et de dizaines d’officiers supérieurs dont certains n’ont eu d’autres choix que de fuir en franchissant illégalement et piteusement les frontières indienne et chinoise.

Si le vent semble progressivement tourner en faveur de la résistance armée, c’est d’abord grâce à une audace politique : celle du gouvernement de l’ombre constitué après le putsch et composé de parlementaires ou d’activistes entrés en clandestinité. Ainsi, pour la première fois depuis l’indépendance en 1948, les Birmans, issus d’une gigantesque mosaïque ethnique et sociale, ont décidé de parier sur l’unité et d’en faire une force contre la dictature.

Depuis novembre 2023, c’est en effet une alliance inédite de rebelles ethniques et de militants de la Force de défense populaire, étudiants, ouvriers, femmes et hommes, qui a conjointement mis en branle des attaques tous azimuts. Du lointain État d’Arakan dans l’Ouest frontalier du Bangladesh, à l’Extrême Nord des États Shan et Kachin qui bordent le Yunan chinois, en passant par les bastions karens et karennis le long des quelque 2 000 kilomètres qui séparent l’est birman de la Thaïlande, les insurgés ont frappé fort, déstabilisant les forces gouvernementales, provoquant désertion en masse comme le ralliement de plusieurs milices pro-junte. Jusqu’à politiquement fragiliser le chef suprême du pouvoir militaire…

Si la junte birmane a traditionnellement pu compter sur des appuis de taille, à Pékin et Moscou notamment, tant au Conseil de sécurité des Nations unies pour bloquer des votes de sanctions que pour, aussi, renforcer son arsenal – les avions de combats chinois et les hélicoptères russes sont l’un des derniers grands atouts des militaires birmans sur le terrain face aux rebelles – une page, là aussi, est en train de se tourner sur la frontière nord. Les récents bombardements qui ont débordé du côté chinois et ont touché des villes frontalières ont provoqué la colère de Pékin qui a toujours cultivé une ambiguïté diplomatique en soutenant le pouvoir birman, mais en commerçant aussi avec des rebelles exportateurs de précieuses ressources naturelles. 

Par Cyril Payen – Radio France Internationale – 26 janvier 2024

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