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«Mère Saigon»: kaléidoscope identitaire

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À Saigon, deux jeunes hommes en couple depuis sept ans évoquent leur mariage prochain. L’un a l’air ravi et amoureux, l’autre aussi, malgré cette lueur triste dans ses yeux. Plus tard, on les retrouve en compagnie des parents enthousiastes et affectueux du premier. La famille du second ne sera jamais mentionnée.

Ce portrait n’est que l’un des nombreux que compte le documentaire Mère Saigon (Má Sài Gòn), de Khoa Lê, qui explore les identités sexuelles et de genre au Vietnam sous l’angle des liens filiaux.

Documentariste et artiste multidisciplinaire québécois, Khoa Lê est en l’occurrence né au Vietnam. Le thème de la pluralité identitaire est au coeur de sa démarche. Son premier documentaire, Bà Nôi, primé aux Hot Docs et aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal, racontait à la fois ses retrouvailles avec sa grand-mère et avec le Vietnam.

Dans Mère Saigon, le cinéaste juxtapose des fragments de vie de plusieurs personnes issues de la communauté LGBTQ+ en une approche kaléidoscopique. Il y a cet autre couple, formé celui-là par deux femmes qui songent à avoir des enfants, et qui font le pari que leurs familles accepteront davantage leur union une fois la lignée assurée… 

Il y a également cette femme trans, qui accueille d’autres personnes trans à différentes étapes de transition. Ces dernières n’ont pas forcément toutes été rejetées par leurs proches : certaines sont venues à Saigon d’abord à cause de l’ouverture plus grande qui y règne.

Et ce jeune homme gai, qui songe à en finir, et qui écrit inlassablement à la mère qui lui a tourné le dos… Et cette autre femme trans qui cherche l’amour, et sa meilleure amie, qui, elle, vient de le trouver… Et plusieurs autres, dont des mères et un père solidaires de leur progéniture…

Émouvante proximité

Khoa Lê ne nomme ni les gens rencontrés, ni les lieux visités, ni le temps de la journée, ce qui rend au départ la proposition un brin déstabilisante, faute du moindre repère. Toutefois, l’impressionnisme ambiant fait rapidement son oeuvre, alors que des bouts d’intimités multiples nous sont révélés, sans filtre ni faux-fuyant. 

Car les participants et participantes ne se livrent pas à la caméra : ils et elles vivent devant celle-ci, l’oubliant complètement.

Il en résulte une proximité extrêmement émouvante, voire poignante par moments. Proche, à l’affût, la caméra de Khoa Lê est très empathique, et ça transcende l’écran. 

Le montage recourt volontiers à l’association libre. Par exemple, quand l’un des participants s’assoupit devant sa télé présentant des images de jungle, on le retrouve dans la séquence suivante en train de s’enfoncer dans une nature luxuriante, à la brunante, en un doux passage onirique. 

De tels élans discrètement poétiques ne sont pas rares. Quant au ton, il oscille entre mélancolie, espoir et joie. Car le film, même dans l’incertitude, même dans le malheur, demeure lumineux et, oui, gai. C’est l’une de ses plus belles qualités.

Mère Saigon (V.O. s.-t.f. de Má Sài Gòn) : Documentaire de Khoa Lê. Québec, 2023, 98 minutes. En salle dès le 2 février.

Par François Lévesque – Le Devoir – 1er Février 2024

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