En Thaïlande, le retour de Thaksin “représente un défi pour le Premier ministre, Srettha Thavisin”
Officiellement libéré à la faveur d’une grâce présidentielle, l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, qui avait été condamné à huit ans de prison, fait son retour sur la scène politique thaïlandaise. Issu du même parti, l’actuel chef du gouvernement, Srettha Thavisin, voit son autorité clairement contestée.
“Un nouveau test pour l’autorité du Premier ministre”, annonce le Bangkok Post, principal journal anglophone de Thaïlande. Le titre tranche avec l’une des photos choisies pour accompagner l’article de une, où l’on voit l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra (généralement désigné, comme souvent en Thaïlande, par son seul prénom) assis au bord de sa piscine, avec des chaussures de type Crocs du plus bel effet – et, plus accessoirement, une minerve et une attelle au bras droit.
Transmis par la famille Thaksin, ce cliché entend présenter le patriarche en homme affaibli par la maladie et la prison – quand bien même il n’a effectué aucun séjour derrière les barreaux d’un établissement pénitentiaire, malgré une condamnation à huit ans de prison pour corruption et abus de pouvoir.
Sur la page, cette image est mise en miroir avec une infographie qui présente les hauts faits de Thaksin depuis la fondation de son parti politique, en 1998, et son accession au poste de Premier ministre, en 2001, jusqu’à son exil forcé à partir de 2008, son retour au pays en août 2023, la grâce royale dont il a bénéficié, et la fin officielle de sa détention, ce dimanche 19 février.
Manipulation
“La température politique va sans doute monter en Thaïlande” en raison de cette libération, précise le Bangkok Post. “Cet épisode représente un défi pour [l’actuel] Premier ministre, Srettha Thavisin, qui doit maintenant démontrer son indépendance dans l’exercice de la prise de décision”, et prouver que “Thaksin ne manipule pas le pouvoir en coulisses”.
Le journal cite à l’appui plusieurs spécialistes de la vie politique thaïlandaise, qui estiment que Srettha, membre du Pheu Thai, fondé par Thaksin et dirigé par la fille de celui-ci, va devoir faire face à un “glissement du pouvoir” qui pourrait aboutir à “un phénomène de double Premier ministre”. Le Bangkok Post cite la réponse du Premier ministre :
“N’exagérez pas ! Il n’y a qu’un seul Premier ministre selon la Constitution. Et c’est moi.”
La réaction de Srettha n’a cependant pas convaincu les analystes, d’autant plus qu’il s’est empressé de corriger son propos : “Aujourd’hui, le pays a besoin de coopération, explique-t-il. Si l’ancien Premier ministre [Thaksin] veut faire des suggestions, personne dans mon gouvernement ne refusera de les prendre en compte.”
Courrier international – 19 février 2024
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