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Réflexions sur la disparition du format papier du Phnom Penh Post

Trente-deux ans après sa création par Michael Hayes et feue Kathleen O’Keefe, le Phnom Penh Post cessera d’être publié sur papier et ne poursuivra son activité que par le biais de sa « présence en ligne ». Selon un communiqué de presse de l’éditeur, c’est la baisse significative des revenus publicitaires générés par le journal qui a conduit à cette décision, ne pouvant plus supporter les pertes qui ne cessaient de croître sans aucun espoir de changement de situation.

J’ai lu en substance sur les médias sociaux après cette annonce, que le Phnom Penh Post, depuis son rachat en 2018 par un homme d’affaires malaisien, ne jouait plus le même rôle en termes de contenu éditorial que dans les années 1990 et au début des années 2000 dans le paysage de l’information lorsqu’il était un bimensuel et que chacune de ses éditions, dont les unes présentaient souvent des scoops de grande envergure, étaient très attendues par les décideurs politiques et les observateurs internationaux.

En réalité, pour eux, la disparition du Phnom Penh Post serait le résultat logique d’une forme de « différence » éditoriale qui aurait conduit à une perte d’attractivité pour les lecteurs et, par conséquent, pour les annonceurs et, donc, il ne faut pas en faire un drame car il ne s’agit pas d’une perte de la pluralité et de la diversité de l’information. C’est ainsi.

« Cette perte est logique puisqu’aujourd’hui, il n’y a de place que pour les sites d’information en ligne », a-t-on également souligné, notant qu’il s’agissait d’une tendance mondiale.  

Ces deux points de vue sont loin d’être dénués de pertinence, mais négligent plutôt l’enjeu de la disparition des journaux imprimés.   

« Quelle importance à la disparition de la version imprimée puisque la publication continuera à paraître en ligne ? «  diront certains 

Je répondrai qu’un journal en ligne, parce qu’il est immatériel, ne peut pas refléter la portée d’une démarche éditoriale. Lorsqu’un lecteur tient un journal imprimé entre ses mains, il saisit physiquement cette approche en voyant l’espace physique accordé aux différents types de contenus tels que les éditoriaux, les informations générales, les reportages, les analyses, les rubriques politiques, sociales, économiques, culturelles, sportives, internationales.

Toute cette présentation physique est le fruit du travail collaboratif d’une équipe éditoriale professionnelle, et l’achat de ce journal constitue un choix délibéré de la part du lecteur. Il aime telle ou telle publication parce qu’il apprécie son approche et fait confiance à son équipe de journalistes plus qu’à une autre.

En ligne, tout semble presque au même niveau, sans hiérarchie. Et au final, le lecteur passe au crible ce qui l’intéresse sans s’engager véritablement, sauf exception, dans une démarche éditoriale. 

Ajoutons à cela que les standards de lecture en ligne exigent des formats courts et accrocheurs pour déclencher des clics, et nous aboutissons à un appauvrissement du contenu éditorial.  

Les difficultés que rencontre aujourd’hui la presse écrite sont le résultat de la monopolisation de la quasi-totalité du marché publicitaire mondial par les géants américains de l’Internet : Alphabet (Google), Meta (Facebook et autres) et Amazon.

Dans un article publié il y a environ un an, La Revue européenne des médias et du numérique mentionnait que, selon GroupM (WPP), la croissance du marché mondial de la publicité en ligne atteindrait 46 % entre 2019 et 2021, pour un montant de près de 500 milliards de dollars, soit 64,4 % des dépenses publicitaires mondiales, contre 52,1 % en 2019. Selon le magazine, le marché publicitaire de la presse quotidienne a en fait perdu 25 % de ses revenus publicitaires dans le monde au cours de ces deux années, tandis que les magazines ont perdu encore plus, soit 27 %. Sans surprise, ces évolutions contrastées du marché publicitaire mondial profitent aux acteurs de l’industrie numérique qui disposent des principales plateformes utilisant la publicité en ligne : Alphabet (Google), Meta (Facebook) et maintenant Amazon. Ensemble, ces trois acteurs détiennent 50 % du marché mondial de la publicité en dehors de la Chine, où ils sont pratiquement interdits d’accès, peut-on lire dans l’article du magazine.    

La pluralité de l’information était auparavant financée par les recettes publicitaires qui remplissent aujourd’hui les poches des géants du web qui ne considèrent l’information – qu’ils ne produisent pas – que comme un « contenu » parmi d’autres, au point que la diffusion de « fake news » ne les dérange pas.      

Cependant, on observe ici et là à travers le monde que le « papier » revient dans des domaines spécialisés sous la forme de magazines d’information publiant des études et des analyses. Les derniers soubresauts avant la fin ? Personne ne doit s’en réjouir.

Lepetitjournal.com avec Cambodianess – 9 mars 2024

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