La guerre en Birmanie en prime time grâce à trois docus chocs
Après trois ans d’oubli, les grandes chaînes françaises diffusent plusieurs reportages percutants sur fond de victoires de la résistance à la junte.
Comment une guerre sort-elle de l’oubli ? C’est presque toujours un mystère. Puis un jour, la malédiction apparemment impossible à briser, soudain, s’évanouit. Malgré un spectaculaire coup d’État en 2021 et le retour brutal des combats dans tout le pays, la Birmanie était restée durant trois ans hors des écrans radars des médias à grande audience, télévision en tête. En quelques jours, en ce début de mois de mars 2024, pas moins de trois documentaires sur cette guerre civile sont à l’honneur des chaînes de service public – précédés par des reportages au journal télévisé.
Premier sur la ligne de départ, Birmanie, l’armée des ombres (Arte reportage, 26 minutes, diffusé le 1er mars, en replay), par l’un des pionniers du sujet, le réalisateur basé en Inde Antoine Védeilhé, introduit comme un coup de poing à la violence de ce conflit parmi les plus actifs de la planète. À peine arrivée en territoire birman, l’équipe se retrouve visée par l’artillerie de la junte, perdant son véhicule et son équipement, et devant se terrer et s’extraire durant quarante minutes sous un feu nourri. Baptême de l’extrême pour entrer dans le monde des Forces de défense du peuple, les unités formées par les jeunes démocrates depuis le coup pour reprendre le pays à l’armée.
La bataille de Loikaw
Un de leurs officiers supérieurs, ancien compagnon de lutte d’Aung San Suu Kyi, y présente les idéaux et le projet de ceux qui ne se battent ni pour un parti ni pour une ethnie, mais « pour offrir un futur à la jeune génération ». Sans aucun soutien matériel d’un pays voisin ou d’une démocratie, ces combattants de la liberté ont dû improviser. Après un premier documentaire l’année passée sur la « résistance Chin », ce nouveau film plonge plus en détail dans les secrets de la lutte clandestine – ingénieurs fabriquant des drones pour larguer des bombes sur l’ennemi ou guetter les positions de la junte, artificiers préparant des explosifs, geôles de fortune où s’entassent des prisonniers de guerre, soldats de la junte qui se sont rendus dans la débâcle… Tout en donnant la parole aux civils, simples villageois, soignants, enseignants, qui font face à une des pires crises humanitaires de la planète, quasi sans aucune aide internationale.
Parfait complément à ce premier opus, l’émission Envoyé spécial de France 2 diffuse ce jeudi 14 mars Birmanie : une jeunesse en résistance du correspondant à Bangkok Constantin Simon. Coproduit avec France 24, le reportage suit une autre faction de résistants, la Force de défense des peuples Karennis (abrégé KNDF en anglais) lors de l’assaut lancé sur la capitale de l’État de Kayah, Loikaw – dont Le Point revient aussi avec un reportage au cœur des combats. Les rebelles n’y sont plus les bêtes traquées, mais à l’offensive, s’emparant de l’université et de plusieurs quartiers d’une grande ville, une première dans l’histoire de la Birmanie.
Une opération à haut risque menée par Maui, numéro 2 des KNDF, jeune homme de 31 ans au visage d’ourson, ancien fermier bio, qui montre désormais l’assurance d’un véritable chef de guerre. À la lumière d’une bougie, dans un État où la junte a privé la population de tout en représailles de son insurrection au printemps 2021, Maui promet : « Après la victoire, il y aura de l’électricité dans chaque rue. » Le dénuement et le courage des insurgés ne sont encore une fois dépassés que par ceux des civils pris au piège dans les combats, abandonnés à eux-mêmes par une communauté internationale qui a parié sur le pourrissement du conflit et, in fine, sur une victoire de la junte.
Faillite humanitaire
Dans ces documentaires sur des zones de guerre, ce sont finalement les grands absents qu’on s’étonnera de ne pas croiser : les humanitaires étrangers. Aucune grande organisation, aucun camp de déplacés ou de réfugiés mis en place par les organisations internationales habituelles, comme le Haut Commissariat aux réfugiés de l’ONU. Avant d’être négligés par les médias, les Birmans sont ignorés par le système d’aide humanitaire qui amortit d’ordinaire les conflits les plus violents, de l’Ukraine à l’Afrique en passant par Gaza. C’est l’objet d’un dernier reportage qui sera diffusé sur France 2 dimanche 17 mars à 10 heures, Free Burma Rangers, les anges gardiens de la Birmanie. Suivant cette organisation évangélique, les journalistes Didier Gruel et Chris Huby traversent les mêmes jungles de l’est du pays avec un convoi de « Rangers » menés par le fondateur des FBR, David Eubank, l’un des seuls étrangers à se risquer dans la région depuis près de 30 ans pour fournir de l’aide humanitaire aux populations birmanes au milieu des zones de combat.
Véritable légende vivante en Birmanie, Eubank est un ancien béret vert, revenu sur les traces de ses parents missionnaires pour aider les minorités ethniques persécutées par l’armée. Ces missions éprouvantes imposent des semaines de marche pour parvenir dans les zones inaccessibles où la guerre civile birmane fait des ravages. La mort y surgit au détour d’un village disputé, soudain déchiré par les tirs de mitrailleuses et d’obus. La foi seule semble pouvoir donner la force de surmonter ces épreuves. Les Free Burma Rangers prient et invoquent le nom de Jésus à foison, sans doute trop pour un public français qui se méfie à juste titre des fanatismes. Mais les volontaires des FBR y expliquent justement comment ils ont dépassé les haines entre communautés pour aujourd’hui permettre les victoires de leur révolution.
Par Jérémy André – Le point – 14 mars 2024
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