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Au Vietnam, la bataille pour la direction du Parti communiste s’accélère

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Un an seulement après sa nomination, le président vietnamien Vo Van Thuong vient d’être destitué. Il est officiellement sanctionné dans le cadre de la campagne nationale de lutte contre la corruption. Mais son éviction ne serait qu’un prétexte pour l’écarter de la course à la présidence du Parti.

Un an seulement après sa nomination, le président vietnamien Vo Van Thuong vient d’être destitué, à la surprise générale, par les cadres les plus puissants du Parti communiste. Longtemps présenté comme le protégé de l’actuel Secrétaire général de la formation, Nguyen Phu Trong, il était pressenti pour succéder prochainement à l’homme fort du régime, dont la santé décline très rapidement.

Ce jeudi l’Assemblée nationale, réunie en session extraordinaire, a validé, à huis clos, la « démission » de Vo Van Thuong ainsi que son abandon des postes de membre du Bureau politique et de membre du Comité central du Parti.

Une manoeuvre politique

Pour justifier son renvoi, les médias d’Etat ont expliqué que « ses infractions aux règlements sur la responsabilité exemplaire des cadres du Parti » auraient eu effet négatif sur la réputation de la formation communiste et de l’Etat. La propagande ne précise pas les faits qui lui sont reprochés mais laisse entendre qu’il aurait été sanctionné pour des détournements de fonds commis, il y a plus de dix ans, par un proche dans la province de Quang Ngai. Vo Van Thuong avait dirigé le Parti dans la province entre 2011 et 2014.

Officiellement, le chef de l’Etat serait ainsi la dernière victime de la grande campagne de lutte anticorruption lancée par le Parti sous le nom de « fournaise ardente ». Ces dernières années, plusieurs centaines de cadres de la formation et de hauts fonctionnaires ont été destituées, et souvent mis en prison, dans le cadre de cette opération lancée initialement par Nguyen Phu Trong, le grand patron du Parti. Début 2023, le prédécesseur de Vo Van Thuong, le président Nguyen Xuan Phuc, avait déjà été démis de ses fonctions pour des faits de corruption commis par des proches.

Pour les experts, cette lutte anticorruption dissimule toutefois une intense compétition interne entre différentes factions du Parti. « Cette campagne n’est, dans ce cas précis, qu’un prétexte politique pour écarter le principal candidat au poste de Secrétaire général du Parti », explique Benoît de Tréglodé, le directeur du domaine Afrique-Asie-Moyen-Orient à l’IRSEM. « La guerre de succession qui aurait dû avoir lieu l’an prochain, avant le grand congrès du Parti début 2026, s’accélère », pointe l’analyste, fin connaisseur des enjeux de pouvoir au Vietnam.

La destitution du président confirme ainsi la fragilité grandissante du Secrétaire général du Parti qui avait programmé l’ascension de Vo Van Thuong mais semble avoir désormais perdu la main. Agé de 79 ans, le très conservateur Nguyen Phu Trong apparaît de moins en moins en public et a récemment raté plusieurs rendez-vous avec des leaders étrangers en visite à Hanoï. « Les prétendants à son poste n’ont désormais plus peur de lui », souffle Benoît de Tréglodé.

Les ambitions d’un ministre

Selon les experts, c’est l’actuel ministre de la sécurité publique, To Lam, qui aurait pris le contrôle de la campagne de lutte contre la corruption et l’aurait instrumentalisé pour éliminer des rivaux potentiels dans la course vers la direction du Parti communiste. To Lam est l’un des rares cadres de la formation à répondre aux différents critères politiques définis par le Parti dans le processus de sélection de son leader. Il est officiellement trop âgé (66 ans) mais jouit d’une telle influence qu’il pourrait aisément négocier une exception.

Si la multiplication des révocations et des arrestations pour corruption avait tétanisé en 2022 et début 2023 une partie des élites politiques et administratives du pays au point de faire chuter les investissements publics et les approbations de projets, l’accélération du processus de succession à la tête du pouvoir pourrait, de l’avis des analystes, rassurer les investisseurs étrangers, désireux de travailler avec un pouvoir stabilisé.

Par Yann Rousseau  – Les Echos – 21 mars 2024

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