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Dien Bien Phu : des anciens combattants vietnamiens entre fierté et modestie

Au Vietnam, le régime célèbre en grande pompe le 70e anniversaire de la victoire de Dien Bien Phu face aux troupes coloniales françaises, mais l’un des derniers témoins en vie préfère garder profil bas: « Je ne suis pas un héros. »

Au Vietnam, le régime célèbre en grande pompe le 70e anniversaire de la victoire de Dien Bien Phu face aux troupes coloniales françaises, mais l’un des derniers témoins en vie préfère garder profil bas: « Je ne suis pas un héros. »

Dans son petit appartement de la capitale Hanoï, Hoang Vinh conserve une décoration témoignant de sa participation à la célèbre bataille, en 1954, qui a conduit à l’émergence du Vietnam en tant que nation indépendante.

« Trop de sueur et de sang, trop de sacrifices et d’épreuves pour cette médaille », admet le vieillard âgé de 96 ans, auprès de l’AFP.

« Je suis fier de ma vie, mais je ne suis pas un héros. J’ai seulement accompli mon devoir comme soldat pour mon pays. Il n’y a pas de raison de fanfaronner, même auprès des Français », insiste-t-il.

A l’approche du 7 mai, jour anniversaire de la reddition française, le régime communiste rejoue le film de la guerre, façonné à la gloire des leaders Ho Chi Minh et Vo Nguyen Giap, et des milliers de soldats et civils qui ont risqué leur vie dans la cuvette.

La chute du camp retranché de Dien Bien Phu a généré à l’époque un immense retentissement, qui a inspiré d’autres mouvements de décolonisation ailleurs dans le monde.

Ravitaillement à deux roues

Mais à un prix élevé: durant les 56 jours de combats acharnés, de déluges d’obus et d’affrontements au corps à corps, la bataille a fait 13.000 morts et disparus, dont 10.000 au côté du Viet Minh.

« J’ai vu mes caramades tués sur le coup, leurs corps éparpillés sur des branches d’arbres », se souvient Hoang Vinh. « Je détestais ceux qui prenaient la vie de mes camarades. »

« J’ai pris le bon chemin pour contribuer à l’indépendance de mon pays. Je n’ai aucun regrets, aucune question sur ce qui s’est passé », poursuit-il.

Il a passé la bataille au sein du régiment de combat anti-aérien, qui a contribué à abattre 62 avions français, selon des chiffres officiels vietnamiens. Près de 55.000 soldats vietnamiens ont été engagés dans la cuvette, selon Hanoï, contre environ 15.000 côté français.

« Nous n’avions pas assez à manger, pas assez de vêtements chauds à porter, pas assez de couvertures, on dormait sur de la paille de riz », décrit-il. « Mais personne ne se plaignait. On discutait et on chantait pour s’encourager. C’était des bons moments. »

Vinh avait rejoint les rangs de l’armée communiste quand il avait 19 ans, sans savoir qu’il allait passer une grande partie de sa vie sur les champs de bataille, la réunification du pays sous l’égide communiste ne s’étant achévée qu’en 1975, au prix d’une nouvelle guerre contre les Américains.

A Dien Bien Phu, dans une région isolée, montagneuse et recouverte de jungle, la géographie des lieux a poussé l’état-major vietnamnien à mobiliser des dizaines de milliers de civils pour relever le défi logistique.

C’est dans ce contexte qu’est née la légende du ravitaillement d’armes, de nourriture et de fournitures, assuré par quelque 21.000 vélos lestés jusqu’à 200 kilos de marchandises. Les bicyclettes étaient jugées plus économiques, plus résistantes et moins détectables que les camions.

La mission de Ngo Thi Ngoc Diep, âgée de 17 ans à l’époque, était de divertir les troupes.

« Lors des marches, ma tâche consistait à parler, à faire des blagues et à réconforter les soldats pour les encourager (…) On chantait, on dansait, sur des airs populaires traditionnels et patriotiques… », se souvient la femme, âgée de 86 ans aujourd’hui.

« Amis »

Elle a conservé la réplique d’un instrument de musique bricolé à partir de briquets en métal, qu’elle utilisait à l’époque.

Pour éviter d’être réperée, elle sortait uniquement la nuit, entre 17h00 et 02h00 du matin chaque jour.

« C’était vraiment dur de marcher des kilomètres dans le noir, à travers les jungles et les hautes montagnes, en portant sur mon épaule cinq kilos de riz, d’affaires personnelles et une pelle », explique-t-elle.

« Mais j’étais tellement contente d’avoir été choisie », affirme-t-elle.

Hoang Vinh et Ngo Thi Ngoc Diep ont terminé la guerre sans être blessés.

Depuis, ils se sont rendus en France lors de voyages de famille organisés par leurs enfants.

Mais le soldat Hoang Vinh n’a révélé à personne son engagement à Dien Bien Phu lorsqu’il était sur le territoire de l’ancienne puissance coloniale.

Ngo Thi Ngoc Diep, elle, aimerait serrer la main d’anciens combattants français si l’occasion se présentait.

« On ne peut jamais oublier l’histoire, mais nous devons clôturer ce passé. Les chapitres douloureux doivent être laissés derrière nous », insiste-t-elle. « Nous sommes amis. »

Agence France Presse – 4 mai 2024

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