Birmanie : les pénuries de carburant peuvent-elles précipiter la chute de la junte ?
L’argent est, dit-on, le nerf de la guerre. L’exemple birman est là pour le rappeler. La junte au pouvoir manque de devises étrangères et peine de plus en plus à importer des produits pétroliers indispensables au fonctionnement de ses avions de chasse et de ses usines d’armement.
Les véhicules blindés de l’armée birmane que Nikkei Asia met sur sa couverture en date du 8 juillet pourront-ils encore longtemps rouler ? La junte, qui importe presque la totalité des produits pétroliers nécessaires à son armée, aujourd’hui en guerre contre une myriade de groupes de résistance sur une multitude de fronts, manque en effet de devises étrangères. “Sa dépendance aux carburants importés pourrait provoquer sa chute”, avance ainsi l’hebdomadaire japonais, qui publie une longue enquête sur le sujet.
Cette armée autrefois toute puissante “est en train d’apprendre une leçon bien amère en matière de logistique”, poursuit Nikkei Asia. Les troupes du général Min Aung Hlaing, dont le coup d’État en février 2021 a ravivé la guerre civile, “doivent se débrouiller pour trouver des réserves de plus en plus coûteuses d’essence, de diesel et de kérosène nécessaires pour nourrir leur machine militaire”.
Ce carburant est indispensable pour les chasseurs bombardiers et les hélicoptères d’attaque russes, mais aussi pour les véhicules blindés et de transport de troupes ainsi que pour toutes les installations militaires, y compris les 25 usines d’armement.
Un “dilemme” pétrolier
Depuis février 2021, l’attention internationale s’est focalisée sur les importations de kérosène, relève le magazine. Des sanctions ont été prises par les États-Unis ou l’Union européenne contre certains individus, mais pas pour interdire l’importation de produits pétroliers. Les pays occidentaux refusent d’en priver les civils – qui peinent déjà à s’approvisionner tandis que les prix ne cessent de flamber. D’où le “dilemme”, que Nikkei Asia évoque dans le titre de son enquête.
Sur le terrain, “l’étau se resserre” autour de la junte, écrit le magazine. En particulier depuis le lancement, en octobre dernier, de la vaste offensive baptisée “opération 1027” par une alliance de plusieurs groupes armés. La junte a perdu de vastes pans de territoire. Dans le nord-est du pays, dans l’État Shan, un cessez-le-feu qui prévalait depuis le début de l’année a volé en éclats à la fin de juin, et la grande ville de Lashio, tenue par l’armée de la junte, serait en passe de tomber.
Le manque de carburant pourrait-il ainsi précipiter la défaite de la tatmadaw, l’armée birmane ? Il freine en tout cas tout le déploiement rapide des troupes, dont les effectifs étaient estimés à 95 000 hommes avant un grand nombre de pertes et de désertions. La junte ne dispose plus des réserves de devises étrangères suffisantes pour accroître, voire poursuivre, ses importations de carburant – en 2023, elles se sont élevées à 5,5 milliards de dollars (environ 4,6 milliards d’euros). Au bout du compte, note Nikkei Asia, “plus que les sanctions, c’est la mauvaise santé de l’économie birmane qui risque de causer le plus de tort” à la junte au pouvoir.
Courrier International avec Nikkei Asia – 5 juillet 2024
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