Madeleine Riffaud a cent ans
Une résistante d’une envergure exceptionnelle vient de célébrer ses 100 ans, ayant traversé tous les grands bouleversements du XXe siècle, y compris ceux qui ont marqué le Vietnam.
C’est une résistante majuscule qui vient de franchir le cap des 100 ans, une résistante qui aura tout connu des grands bouleversements du XXe siècle, notamment ceux qui ont agité le Vietnam. Car oui, Madeleine Riffaud et le Vietnam, le Vietnam et Madeleine Riffaud, c’est une vieille histoire. Mieux, c’est l’histoire avec un grand H. Celle qui fut un temps la compagne du poète Nguyen Dinh Thi fut aussi une correspondante de guerre intrépide et l’un des plus fervents soutiens du Président Ho Chi Minh, qui la connaissait bien…
L’actuel ambassadeur du Vietnam en France, Dinh Toan Thang, est allé ce vendredi lui rendre visite et lui redire toute la gratitude du peuple vietnamien… Née le 23 août 1924 dans la Somme, Madeleine Riffaud est encore une adolescente lorsque survient la Seconde guerre mondiale. Elle s’engage néanmoins dans la Résistance sous le pseudonyme de Rainer, ce qui lui vaudra le triste privilège d’être torturée par la Gestapo, mais aussi celui – glorieux, pour le coup – de participer à la libération de Paris à la tête d’un détachement d’hommes, en faisant preuve d’un courage physique et d’une force mentale qui n se démentiront jamais, toute sa vie durant. C’est après la guerre qu’elle devient journaliste, d’abord en écrivant dans La nouvelle vie ouvrière, qui est l’hebdomadaire de la Confédération Générale du Travail (CGT).
Militante anticolonialiste
Du 5 au 19 août 1951, elle part à Berlin couvrir le troisième Festival mondial de la jeunesse et des étudiants, fondé en 1947 par Joseph Staline et Winston Churchill, mais depuis contrôlé par les pays communistes, et qui rassemble cette année-là 26.000 participants venus de 104 pays. C’est à cette occasion qu’elle rencontre Nguyen Dinh Thi, un jeune poète vietnamien engagé dans le combat pour l’indépendance de son pays, compagnon de route de Ho Chi Minh.
« voyage à travers les valeurs culturelles de l’Orient et de l’Occident »
Tous deux décideront d’effectuer des « traductions destinées à prouver au public français l’existence d’une littérature qui atteste de la profonde culture du peuple vietnamien » mais aussi d’écrire à quatre mains Les Baguettes de jade, « voyage à travers les valeurs culturelles de l’Orient et de l’Occident », qui raconte la guerre d’Indochine vue depuis Berlin, et évoque des « Oradour de bambous ».
On retrouve ensuite Madeleine Riffaud au Vietnam en 1954, au moment où la république Démocratique du Président Ho Chi Minh reprend possession de Hanoï. Nguyen Dinh Thi occupe alors de hautes fonctions dans la vie culturelle du pays alors qu’elle y est nommée correspondante pour le compte de La vie ouvrière.
« Ta place est en France, pour y éclairer ton peuple, pour y participer aux luttes »
Elle va toutefois devoir retourner en France dès 1955. « Ta place est en France, pour y éclairer ton peuple, pour y participer aux luttes », lui lance alors Ho Chi Minh. Madeleine Riffaud n’a pas d’autre choix que d’obtempérer… Elle n’en a pas fini avec le Vietnam pour autant, ni avec les guerres coloniales puisqu’elle couvre les évènements d’Algérie.
Reporter engagée
En 1965, elle ressurgit dans les maquis du Sud-Vietnam, en compagnie du journaliste australien Wilfried Burchett, avec lequel elle réalise un reportage qui va être diffusé en France et à l’étranger. Après quoi, elle traverse a ligne de démarcation (le 17e parallèle, donc) en rampant entre les sentinelles ennemies avec sur sa poitrine une centaine de lettres qui lui ont été confiées par des combattants…
Elle couvrira la guerre du Vietnam pendant huit ans, de 1965 à 1973, le plus souvent dans les maquis du Vietcong, en bravant les bombardements américains… Ses reportages engagés et son militantisme à toute épreuve vont grandement contribuer à faire basculer l’opinion publique… Femme d’exception s’il en est, Madeleine Riffaud est donc une grande amie du Vietnam. Le pays lui en est d’ailleurs reconnaissant, qui lui a décerné l’Ordre de la Résistance, en 1984, et l’Ordre de l’Amitié, en 2004.
« Tant qu’on a de la force, il faut l’offrir aux autres », disait-elle.
Lepetitjournal.com – 23 août 2024
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