Airbus : l’avionneur peut-il être considéré comme un fournisseur de la cruelle junte birmane ?
Deux ONG accusent une société chinoise, dont Airbus est actionnaire, de fournir des avions militaires qui permettent à la junte birmane de bombarder les populations civiles. Elles demandent à l’avionneur de réagir
Le 6 septembre dernier, le bombardement d’une petite ville birmane à la frontière chinoise faisait onze morts civils. Il a été attribué à la junte militaire au pouvoir depuis février 2021, qui multiplie les opérations punitives contre les habitants. Les attaques aériennes « systématiques » contre les civils ont été documentées par le Haut-commissariat de l’Onu aux droits humains, qui a recensé 281 morts dans les frappes effectuées entre février 2021 et mars 2022. Le média d’investigation en ligne Disclose cite le chiffre de 833 morts dans des bombardements au cours des six premiers mois de l’année. Il dévoile aussi les accusations portées par deux ONG – Justice for Myanmar et Info Birmanie – contre l’avionneur européen Airbus dans l’armement de la junte.
Leur enquête suit la trace d’avions militaires chinois utilisés par la junte et fabriqués par des filiales d’AviChina, elle-même filiale tentaculaire du géant chinois de l’aéronautique et de la défense Avic (Aviation Industry Corporation of China).
Demande de désengagement
AviChina est une société cotée à la bourse de Hong Kong, dont Airbus est actionnaire à 5,03 %. Ce « partenariat », alors que la Birmanie fait l’objet depuis plus de dix ans d’un embargo européen sur les armes, pose problème, selon les deux ONG. Elles demandent donc à Airbus (et aux Etats français, italien et espagnol en leur qualité d’actionnaires de l’avionneur européen) de convaincre le géant chinois Avic de cesser « tout transfert en cours ou prévu d’aéronefs militaires, d’armes et d’équipements associés à l’armée birmane », ou, à défaut, de se désengager d’AviChina.
Un fonds de pensions de l’Etat norvégien n’a pas hésité à exclure AviChina de ses partenaires en janvier 2023, souligne, pour l’exemple, le rapport.
Un partenariat exclusivement civil selon Airbus
Sollicité par 20 Minutes, Airbus indique qu’il « n’a pas fourni de produit de défense, ni à la Birmanie, ni à ses forces armées » et que ses relations « avec les entreprises chinoises, y compris Avic, sont entièrement conformes à toutes les lois et réglementations européennes et internationales, notamment en ce qui concerne l’embargo sur les armes en vigueur en Chine ». L’avionneur ajoute enfin que ses « partenariats industriels et technologiques en Chine sont exclusivement axés sur l’aéronautique civile et les services. »
Par Hélène Ménal – 20 minutes – 19 septembre 2024
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