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« Viet and Nam » : un voyage onirique et mémoriel dans un pays blessé

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Tru’o’ng Minh Quý mêle documentaire et onirisme, les traumatismes de la guerre et la question de l’exil, sur fond d’histoire d’amour gay. Une œuvre hypnotique.

On avait rarement vu la mémoire de la guerre du Vietnam filmée de cette manière. Peut-être parce que les images et les représentations du conflit ont longtemps été confisquées par Hollywood ou, côté vietnamien, par le cinéma de propagande.

Avec ce troisième long métrage, présenté à Cannes en sélection officielle d’Un certain regard, Tru’o’ng Minh Quý surprend par l’originalité d’une approche qui mêle l’onirisme et la réalité documentaire, une histoire d’amour entre deux hommes, l’exil et les traumatismes anciens ancrés dans les familles.

Viêt et Nam s’aiment et travaillent dans une mine de charbon. Nam, qui projette de partir clandestinement à l’étranger, vit avec sa mère. Son père, qui a disparu lorsqu’il était enfant, est probablement mort pendant la guerre. Quand un ami du défunt, un vétéran manchot, vient rendre visite à la mère de Nam, les fantômes du passé ressurgissent.

Les quatre protagonistes se mettent en quête de la dépouille lors d’un voyage qui les conduira, dans le sud du pays, dans un musée de la guerre à ciel ouvert où des crânes et ossements sont empilés dans des vitrines et où des statues figurent les « bodoï » (soldats) en action. Sur ce terreau mémoriel prospèrent de faux chamanes qui font croire aux familles qu’ils communiquent avec l’esprit de leurs défunts.

Une étrangeté accentuée par le travail du son

Marqué en 2019 par la mort de 39 migrants vietnamiens dont les corps ont été retrouvés dans un container en Angleterre, le cinéaste venu du documentaire installe dès les premières images une étrangeté accentuée par le travail du son.

Construit sur les contrastes et les oppositions, avec une attention particulière portée à la lumière et aux matières, Viet and Nam fait cohabiter le passé et le présent, la vie souterraine dans la mine ou les tunnels de la guerre et l’existence à la surface. Amis amants aux physiques gémellaires, Viêt et Nam incarnent les deux faces et les contradictions d’un pays autrefois coupé en deux.

Influencé par Bergman et Tarkovski, Tru’o’ng Minh Quý prend son temps et use des dialogues avec parcimonie, au risque d’être elliptique. Il parvient néanmoins à tisser un récit fluide en entremêlant plusieurs fils narratifs. Par la force de sa mise en scène, le filmage sensuel des corps et le jeu à l’économie des acteurs, il met au jour les blessures de son pays pour mieux s’en libérer.

Viêt and Nam, de Tru’o’ng Minh Quý, Vietnam-Philippines-Singapour-France-Pays-Bas-Italie-Allemagne-États-Unis, 2 h 9

Par Sophie Joubert – L’Humanité – 24 septembre 2024

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