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Mort du père François Ponchaud, l’homme qui a révélé au monde le génocide au Cambodge

L’homme qui a révélé au monde le génocide commis par les Khmers rouges au Cambodge dans les années 1970 est décédé vendredi 17 janvier, à l’âge de 85 ans. Le père François Ponchaud, prêtre des Missions étrangères de Paris, a aidé à l’insertion des réfugiés cambodgiens en France et à la reconstruction du pays.

En 1965, François Ponchaud, jeune prêtre des Missions étrangères de Paris (MEP), arrive au Cambodge, un petit pays paisible d’alors sept millions d’habitants. Il se met aussitôt à l’étude de la langue et de la culture khmères, pour pouvoir célébrer et enseigner dans la langue des habitants. « Au sortir de Vatican II, il refusait de dire la messe en latin, explique le père Vincent Sénéchal, supérieur général des MEP. Un caractère bien trempé. »

Dénonciation des Khmers rouges

Mais à l’une des frontières du pays, la guerre du Vietnam fait rage. Après la chute du prince Norodom Sihanouk en mars 1970, la guerre civile se déchaîne au Cambodge. À Phnom Penh, encerclée par les Khmers rouges, le père François Ponchaud continue d’enseigner, de traduire la Bible… Tout en prenant peu à peu conscience de la brutalité du régime qui va s’installer.

Le 17 avril 1975, la capitale tombe. Deux millions de personnes sont chassées de la ville. Expulsé parmi les derniers Occidentaux au mois de mai, François Ponchaud reste à la frontière du pays, en Thaïlande, recueillant les témoignages des réfugiés khmers. En 1977, rentré en France, il publie Cambodge, année zéro (Éd. Kailash, 1998, 312 p.). Le livre aura un retentissement international, alors que la majorité des élites occidentales voit dans la prise de pouvoir des Khmers rouges une bonne nouvelle pour le Cambodge. « Le journal Libération l’a soupçonné à cette époque d’être un agent de la CIA ! », rappelle le père Vincent Sénéchal.

L’intellectuel et l’humanitaire

Environ 60 000 Cambodgiens viennent se réfugier en France. François Ponchaud crée avec le soutien des MEP l’association Espace Cambodge, que Benoît Fidelin (1), ancien journaliste au Pèlerin(hebdomadaire édité par le groupe Bayard, comme La Croix, NDLR), a présidée pendant quinze ans. « L’Espace Cambodge a aidé 20 000 Cambodgiens environ à s’intégrer en France », précise-t-il.

De retour au Cambodge en 1993, le père Ponchaud aide à reconstruire un pays ravagé. Il fonde le Centre catholique culturel cambodgien (CCCC), et traduit en khmer les textes nécessaires à la liturgie et à la transmission de la foi, ainsi que la Bible avec une équipe, dont des protestants… tout en lançant une œuvre humanitaire. « Il parlait le latin, le grec, l’hébreu… C’était un grand intellectuel, rappelle Benoît Fidelin. Mais il ne voulait pas se cantonner à un travail de bureau, “de bénédictin”, comme il disait. Avec Espace Cambodge, devenu Avenir Cambodge en 2011, on a construit des écoles, des collèges, un hôpital, des ponts, des routes, un réseau d’irrigation, dans les endroits les plus pauvres, les plus dangereux, les plus délaissés du pays. » La guérilla des Khmers rouges, en effet, n’a pas cessé de ravager le pays jusqu’en 1998.

Ce travail humanitaire, François Ponchaud le mène avec rigueur. Il n’y associe sur place que des Cambodgiens. Aujourd’hui, l’association française a passé le relais. Il ne reste qu’à terminer la construction d’une maternité et la réfection d’un hôpital à la campagne.

Un homme de foi, de culture et de dialogue

Né en 1939 à Sallanches en Haute-Savoie, ce fils d’une fratrie de 12 enfants, issu d’un milieu agricole, a été élevé dans une famille croyante. Bon élève au petit séminaire, il a entendu l’appel à la vie religieuse à cette époque déjà. Après avoir servi dans les parachutistes en Algérie pendant plus de deux ans, il entre aux Missions étrangères de Paris (MEP). La vie au séminaire de Bièvres, en région parisienne, a été difficile pour lui, qui trouve les cours « médiocres » et la discipline trop « rigide »« Il était frondeur, colérique parfois, il n’était pas toujours très facile de travailler avec lui », témoigne le père Vincent Sénéchal. À Rome, il a terminé sa formation par des études de théologie et de langues anciennes. En 1964, il est ordonné prêtre.

« C’était surtout un homme de foi, qui avait une culture incroyable, raconte Benoît Fidelin. Piégé dans une tragédie historique folle, il a aidé énormément de Cambodgiens, là-bas comme en France, ainsi qu’à la reconstruction de l’Église. Il a remis debout des communautés entières. » Il avait à cœur le dialogue avec le bouddhisme, très largement majoritaire au Cambodge. « C’était un homme libre et stimulant », poursuit le père Sénéchal. Ses obsèques seront célébrées à la chapelle de la maison des MEP à Lauris (Vaucluse), mardi 21 janvier à 14 heures.

(1) Auteur de Prêtre au Cambodge. François Ponchaud, l’homme qui révéla au monde le génocide, Albin Michel, 1999, 263 p.

Par Christel Juquois – La Croix – 17 janvier 2025

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