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Le long chemin qui mène au 30 avril 1975 – chapitre 1

30 avril 1975, Saïgon. Il est un peu plus de midi lorsque le char 879, appartenant à la 203e brigade de l’armée de libération, celle du Nord-Vietnam en l’occurrence, défonce les grilles du Palais de l’indépendance : l’image est restée gravée dans toutes les mémoires, elle symbolise à tout jamais la fin de la guerre du Vietnam et la victoire des hommes de Hanoï. 

Le pays sort ainsi de trente années de combats meurtriers et dévastateurs. Trente années marquées par une première guerre qui sonnera le glas de la présence française en Indochine, avec la bataille de Dien Bien Phu en 1954, puis par une seconde, dans laquelle les Etats-Unis vont s’embourber, au sens propre comme au sens figuré. Et au bout du compte, la victoire des enfants de Ho Chi Minh, dont le nom va ainsi devenir celui de la ville reconquise.

Comment en est-on arrivé là ? Comment le régime du Sud-Vietnam, cette République du Vietnam, soutenue à bout de bras par les Etats-Unis, s’est-elle finalement effondrée comme un château de cartes en à peine deux petits mois ?

Pour comprendre, il faut bien sûr remonter le temps et dévider le fil de cette guerre, dont les images terribles ne cessent de hanter notre mémoire collective. C’est que vous propose le Petit journal en cette année 2025, qui pour le Vietnam, est celle du cinquantenaire de la victoire. Une victoire d’autant plus incontestable qu’en l’espace d’un demi-siècle, Saïgon ne s’est pas contentée de devenir Ho Chi Minh-ville : elle est devenue une métropole ultradynamique, ouverte sur le monde et promise à un avenir radieux…

Mais revenons à l’année 1954, année charnière dans l’Histoire des guerres d’Indochine. La France, puissance coloniale sur le déclin, essuie une très lourde défaite militaire dans la cuvette de Dien Bien Phu au mois de mai. Dès l’été, elle négocie les termes de son retrait définitif : ce sont les accords de Genève.

Sur le terrain, l’Indochine reste divisée en quatre entités. Le Laos et le Cambodge reprennent chacun leur indépendance. Au Vietnam, en revanche, la situation est plus complexe. Le pays est coupé en deux, à hauteur du 17e parallèle.

Dans la partie nord, c’est la République Démocratique du Vietnam, proclamée le 2 septembre 1945 à Hanoï par Ho Chi Minh, qui prend définitivement ses quartiers, auréolée de son éclatante victoire de Dien Bien Phu. C’est un régime communiste qui se met en place, et qui peut dès lors compter sur le soutien de l’U.R.S.S et de la République Populaire de Chine. Capitale : Hanoï.

Au Sud, c’est la République du Vietnam, qui est en principe héritée du Vietnam de Bao Daï, l’ex-empereur d’Annam que les Français ont tenté tant bien que mal de remettre en place dès 1949. Très vite, ce dernier est déposé au profit de Ngo Dinh Diem, qui est l’homme de paille des Américains et qui instaure un régime autoritaire farouchement anticommuniste. Capitale : Saïgon.

Mais que viennent-ils faire au Vietnam, ces Américains ? Eh bien le fait est que depuis le début des années 1950, ils sont de plus en plus impliqués en Indochine. Ce sont eux, en réalité, qui financent l’effort de guerre des Français, et lorsque ceux-ci sont contraints de se retirer, c’est tout naturellement qu’ils prennent la relève au nom de la défense du « monde libre ».  

Les accords de Genève (que ni les Etats-Unis, ni la République du Vietnam n’ont signé.) stipulent que des élections doivent avoir lieu dans tout le Vietnam, de façon à permettre à la population de choisir lequel des deux régimes lui convient le mieux et préluder ainsi à une réunification. Autant le dire d’entrée de jeu, ces élections n’auront jamais lieu.

Le temps des conseillers militaires

Dès le début des années 1960, la situation recommence à s’envenimer, sur le terrain. Saïgon grouille de conseillers militaires américains, venus prêter main forte aux sudistes, lesquels doivent faire face à une guérilla de plus en plus intense, menée par les maquisards du Front national de libération du Sud-Vietnam, qui entreront dans l’Histoire sous le sobriquet de « Viêt-Cong ».

Mais cette République du Vietnam va mal. Très vite, Ngo Dinh Diem se rend impopulaire auprès de sa population. Son autoritarisme passe d’autant plus mal que le régime qu’il a mis en place se révèle être un véritable clan familial – son frère Ngo Dinh Nhu, bien que n’occupant aucune fonction officielle, est de facto le chef de la police secrète -, au sein duquel sa propre belle-sœur, Madame Nhu donc, exerce une sorte de despotisme faussement puritain.

Catholique fervent comme tout le reste de la famille, Ngo Dinh Diem va en outre s’aliéner les bouddhistes, qui sont pourtant largement majoritaires dans le pays. Ce sont d’ailleurs les bonzes qui vont finir par sonner le glas de son régime en procédant à des auto-immolations sur les places publiques. Les images de celle de Thich Quang Duc en juin 1963 vont durablement secouer l’opinion publique, et le scandale sera d’autant plus grand que Madame Nhu, elle, en parlera comme d’un « barbecue ».

Finalement assassiné en novembre 1963 (avec l’aval des Américains qui étaient informés du projet de coup d’Etat), Ngo Dinh Diem va laisser la place à une valse des généraux et à une instabilité politique qui ne fera que renforcer la propagande adverse : force est de constater qu’en neuf années de pouvoir, il (Diem donc) aura fait naître de très nombreuses vocations communistes et aura contribué à renforcer considérablement le Front national de libération.

Mais aux Etats-Unis aussi, les lignes bougent. Depuis 1961, John Fitzgerald Kennedy est Président. Pour ce qui est du Vietnam, JFK – ainsi l’appelle-t-on – est partisan d’un renforcement du contingent de conseillers militaires et d’une aide financière et matérielle accrue au régime de Saïgon, mais il fixe aussi une ligne rouge à ne pas franchir : l’armée américaine ne doit pas être engagée directement sur le terrain.

Lorsqu’il est lui aussi assassiné en 1963 à Dallas, quelques jours à peine après Ngo Dinh Diem, la donne change. Son successeur, Lyndon Johnson, ne va pas tarder à pencher du côté des « faucons », c’est-à-dire des tenants d’une intervention directe.

Le temps des GI

Cette intervention, elle va débuter en 1965, suite à un incident survenu au mois d’août de l’année précédente, ayant impliqué deux destroyers américains et des contre-batteries nord-vietnamiennes dans le golfe du Tonkin. L’incident en question, dont on sait aujourd’hui qu’il a été provoqué délibérément par les Etats-Unis, va permettre à Johnson de faire voter au Congrès la résolution dite « du Tonkin » (7 août 1964), qui aboutit au début de l’envoi de soldats américains au Vietnam.

C’est à partir du mois de février 1965 que la situation prend un tour nouveau. A Pleiku et à Quy Nhon, des insurgés du Front national de libération passent à l’attaque et plusieurs soldats américains, stationnés sur place, sont tués. Dès le 13, Johnson ordonne des raids aériens étendus sur le Nord : c’est le début de l’opération Rolling thunder (« tonnerre roulant », en français), qui va durer 38 mois et se solder par un demi-million de tonnes de bombes larguées.

Mais le 8 mars 1965 reste une date clé, dans l’histoire de la guerre du Vietnam. Ce jour-là, 3.500 Marines débarquent à Da Nang. Dans la foulée, Johnson autorise l’armée américaine à employer le napalm. Cette fois, la machine de guerre U.S est bel et bien lancée.

La réponse ne se fait pas attendre : en avril, la République Démocratique du Vietnam décrète la mobilisation générale et décide de faire intervenir des unités régulières au Sud.

« Search and destroy »

Presque au même moment, le Pentagone engage l’armée américaine dans la guerre terrestre, là encore au Sud. L’opération est baptisée Search and destroy : un nom sans équivoque (« Rechercher et détruire », en français) qui a le mérite d’annoncer clairement que l’on ne mettra pas de gants et qu’on ne s’embarrassera pas de détails. C’est de fait aussi simple que brutal : de vastes zones sont déclarées Free fire zone, ce qui signifie que tous ceux qui y demeurent sont considérés a priori comme des ennemis à abattre.

La population civile, elle, est prise entre marteau et enclume, et elle paye un très lourd tribut.

Mais pour les soldats qui sont engagés sur le terrain et qui en sont les exécutants, cette opération Search and destroy va très vite tourner au cauchemar : un cauchemar poisseux dont ils vont ressortir traumatisés. Beaucoup d’entre eux vont en effet céder à la tentation de tirer sur tout ce qui bouge. Quant mythe du bon soldat américain libérateur hérité de la Seconde guerre mondiale, il va en ressortir sérieusement écorné, pour ne pas dire plus. Pour toute une génération de jeunes Américains, cette guerre du Vietnam, qu’ils font en principe au nom de la défense du « monde libre », va être synonyme de perte de l’innocence.

En attendant, Johnson, lui, continue de renforcer le corps expéditionnaire : 185.000 hommes en décembre 1965.
De son côté, la République du Vietnam s’est finalement trouvé un Président stable en la personne de Nguyen Van Thieu, un général pro-américain. Tous les acteurs du drame sont donc réunis et peu plus de dix ans après les accords de Genève, la péninsule indochinoise est à nouveau le théâtre d’un embrasement dont l’issue paraît pour le moins incertaine.

Lepetitjournal.com – 13 mars 2025

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