Infos Viêt Nam

9 mars 1945 : S.O.S Indochine – chapitre 5

Eté 1945. Depuis plusieurs mois, les Français d’Indochine se cachent. Ceux d’entre eux qui n’ont pas été tués ou internés par les Japonais vivent reclus, partagés entre la peur d’être arrêtés à leur tour et l’espoir de voir la guerre se terminer enfin. Il n’est pas vain, cet espoir. Partout en Asie et dans le Pacifique, les Japonais reculent, poussés dans leurs derniers retranchements par les soldats américains, qui tiennent leur revanche sur Pearl Harbor.

Le Petit Journal vous propose de revivre cette page tragique et méconnue de notre Histoire « 9 mars 1945 : S.O.S Indochine ». Le premier , deuxième, troisième et quatrième chapitres reviennent sur le contexte de ce coup de force des soldats japonais.


S’ils reculent bel et bien, les Japonais livrent de féroces batailles. Les Américains vont ainsi mettre plus de deux mois à reconquérir l’île d’Okinawa, au sud de l’archipel nippon. Le jusqu’auboutisme dont font preuve les soldats du Mikado impressionne jusqu’au Président Truman, qui, en succédant à Roosevelt au mois d’avril, a hérité d’un projet d’arme atomique, le projet Manhattan, qui est sur le point d’aboutir.

C’est en effet Harry Truman qui est désormais à la tête des Etats-Unis d’Amérique. Franklin Delano Roosevelt, qui aura été de l’un des plus farouches opposants à la présence française en Indochine, est mort le 12 avril en cours de mandat. Pour lui, il était hors de question que les Français – « les pires impérialistes du monde », disait-il à qui voulait l’entendre – reprissent pied en territoire indochinois.

Quelle sera la position de son successeur ? A Paris, De Gaulle ne se fait guère d’illusion. Il a compris depuis longtemps que les Américains étaient de farouches anticolonialistes et que comme à Yalta en février, la France serait tenue à l’écart des conférences interalliés de cette fin de guerre.

Sur ce dernier point, il a raison. Lorsque le 17 juillet, Truman, Staline et Churchill se retrouvent à Postdam, il n’est pas convié. Il va pourtant être question, entre autres choses, du devenir de l’Indochine française.

Postdam

Lorsque la conférence s’ouvre, en ce mois de juillet, les Japonais sont toujours de facto les maîtres de l’Indochine : les indépendances qu’ils ont accordées au Cambodge, au Laos et au Vietnam sont beaucoup trop fragiles pour être crédibles… Leurs jours sont néanmoins comptés, à ces Japonais, en Indochine comme dans le reste de l’Asie. A Postdam, nul ne l’ignore, et surtout pas Harry Truman qui sait désormais que le tout premier essai nucléaire de l’Histoire, qui a eu lieu le 16 juillet dans le désert du Nouveau-Mexique, a été concluant.

Aussi les décisions concernant l’Indochine prennent-elles appui sur un postulat simple : la défaite du Japon.
Mais elles sont prises, ces décisions, sans que la France ne soit consultée, ni de près, ni de loin, et les alliés choisissent finalement de confier le rétablissement de l’ordre en territoire indochinois à deux pays : la République de Chine au nord du 16e parallèle et le Royaume-Uni, au sud.

A Paris, De Gaulle fulmine et considère ce projet de partition de l’Indochine comme nul en non avenu. Le Corps Expéditionnaire Français d’Extrême-Orient dont il a décidé la création au mois de mai était censé participer aux opérations de la guerre du Pacifique sous commandement américain, il va servir à réinstaller la France en Indochine. Pour le Gouvernement Provisoire de la République française, il s’agit, ni plus ni moins, que du dernier acte de la libération du territoire national. Aussi le commandement des troupes est-il confié au Général Leclerc, l’homme du serment de Koufra, le libérateur de Paris et de Strasbourg.

Mais lorsque la conférence de Postdam s’achève, le 2 août, les Japonais sont toujours en Indochine, et Leclerc, lui, est encore en France, où il peine à trouver des recrues.

Hiroshima, Nagasaki

Lorsque le Président Truman quitte l’Allemagne, il sait qu’il a désormais les moyens de mettre le Japon à genoux et de mettre fin à la guerre plus rapidement que prévu.

Il sait bien qu’un débarquement sur Honshu, la plus grande île de l’archipel nippon, risquerait de se solder par des milliers de morts. Mais il est bien conscient, aussi, qu’un affrontement larvé avec l’Union Soviétique est en train de se profiler, et que les Etats-Unis ont tout intérêt à faire comprendre à Staline et au monde entier qu’ils détiennent l’arme suprême.

Aussi décide-t-il d’ordonner le tout premier bombardement atomique de l’Histoire. La cible ? La ville japonaise d’Hiroshima. La date? Le 6 août 1945.

Trois jours après, le 9 août, une autre bombe est larguée sur Nagasaki. Bilan de ces deux bombardements : 144.000 victimes et deux villes complètement anéanties en une fraction de seconde.

Pour le Japon, c’est le coup de grâce. Le 15 août, l’Empereur Hiro Hito annonce la capitulation. Cette fois, ça y est, la Seconde guerre mondiale est terminée.  

Une occasion…

En Indochine, la capitulation du Japon laisse un vide politique sans précédent, que personne n’est a priori en mesure de combler. Mais cette brèche ouverte va rapidement faire l’affaire des nationalistes, et plus singulièrement d’un groupe créé en 1941 : le Viet Nam doc lap dong minh (ligue pour l’indépendance du Vietnam), plus connu sous le nom de Vietminh.

S’il prétend rassembler diverses mouvances nationalistes, le Vietminh est en réalité dominé par le Parti communiste vietnamien. A sa tête, un homme, qui se fait appeler Ho Chi Minh (puits de lumière).

Ho Chi Minh ! Voilà plus de trente ans qu’il attend son heure ! Né en 1890 près de Vinh, l’homme a déjà eu plusieurs noms : Nguyen Sinh Cung, tout d’abord, puis Nguyen Tat Thanh ou encore Nguyen Ai Quoc. En 1911, il s’embarque comme aide-cuisinier à bord du Latouche-Tréville, un paquebot qui l’amène en France. A partir de là, commence une vie d’errance et de militantisme, au cours de laquelle il découvre les écrits de Lénine, qui sont pour lui une révélation. Dès 1923, il se rend en U.R.S.S pour compléter sa formation idéologique et politique. Un an plus tard, il est à Canton, au sud de la Chine, où il tente de recruter des Indochinois exilés. C’est à cette époque qu’il fonde un journal : le Thanh Nien (jeunesse révolutionnaire). On retrouve ensuite sa trace en 1930 à Hong-Kong, au moment de la fondation du Parti communiste vietnamien, à la tête duquel il s’impose tout naturellement. Arrêté par les autorités britannique et détenu pendant deux ans, il poursuit sa trajectoire d’agitateur jusqu’au début de la guerre.  
Ce n’est qu’en 1941 qu’il revient enfin au Vietnam, avec une poignée d’hommes résolus, tout comme lui, à combattre aussi bien les Français que les Japonais. Il a créé un maquis dans les montagnes du nord, à la frontière chinoise, où il réussit à lever une véritable petite armée, grâce à l’un de ses bras droits, un ancien professeur d’histoire du nom de Vo Nguyen Giap.

Mais il a également réussi à capter l’attention des services secrets américains (O.S.S), qui sont alors très actifs dans le sud de la Chine et qui voient d’un assez bon œil l’émergence de ce Vietminh qui se prétend à la fois anticolonialiste et anti-japonais. Le Major Archimède Patti, en particulier, va devenir un auxiliaire précieux. Grâce à lui, le Vietminh reçoit armes et munitions en quantité. Quant à Ho Chi Minh, il reçoit des paquets de cigarettes qu’il fume à la chaine.

Pour le Vietminh, la défaite des Japonais est une véritable aubaine. Mieux : c’est l’occasion historique, celle qui ne se représentera pas et qu’il faut absolument saisir.

Installé depuis le mois de mai à Tan Trao, petit village situé au nord de Hanoi, Ho Chi Minh est l’un des premiers à apprendre les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki, grâce à la radio que les Américains lui ont fourni. Il comprend alors que la capitulation japonaise est toute proche. Dès le 13 août, l’ordre du soulèvement général est lancé.

Ensuite, tout s’accélère. Le 17 août, est instauré à Hanoi un « Comité de libération du peuple vietnamien », tandis qu’est arboré le drapeau rouge à étoiles d’or.

Le 20 août, Saïgon tombe à son tour sous le contrôle du Vietminh. Cinq jours plus tard, Bao Daï abdique sur les injonctions d’Ho Chi Minh, dont il va par la suite devenir le conseiller suprême sous le nom de Vinh Thuy.

« Je préfère être simple citoyen d’un pays libre, que souverain d’un pays esclave », déclare-t-il alors, en mettant fin à 143 ans de règne de la dynastie des Nguyen.

Lepetitjournal.com – 23 mars 2025

En poursuivant la visite de ce site, vous acceptez l’utilisation de traceurs (cookies) vous permettant juste d'optimiser techniquement votre navigation. Plus d’informations

En poursuivant la visite de ce site, vous acceptez l’utilisation de traceurs (cookies) vous permettant d'optimiser techniquement votre navigation. Aucune information sur votre utilisation de ce site ne sera partagée auprès de quelconques médias sociaux, de sociétés commerciales ou d'agences de publicité et d'analyse. Cliquer sur le bouton "Accepter", équivaut à votre consentement.

Fermer