17 avril 1975 : il y a 50 ans, le Cambodge basculait dans l’enfer d’un génocide
Le 17 avril 1975, les Khmers rouges de Pol Pot prenaient la capitale, Phnom Penh. Le début d’un génocide de quatre ans qui fit quasiment deux millions de morts, et dont les plaies sont encore vives.
La désolation, l’inhumanité, la famine. En janvier 1979, lorsque les troupes communistes vietnamiennes et soviétiques chassent les Khmers rouges du pouvoir, elles découvrent les premières bribes d’une barbarie qui a exterminé près d’un quart de la population cambodgienne, en seulement quatre ans. « Nous avions connaissance de massacres de masse mais nous en ignorions l’ampleur », écrit l’historien Alain Ruscio lorsqu’il pénètre la même année dans Phnom Penh, devenue ville fantôme.
Près de deux millions de personnes sont mortes durant ce funeste quadriennat de « l’Angkar » («organisation révolutionnaire », en français NDLR) de Pol Pot et ses sbires, tenants d’une idéologie nationaliste prônant la supériorité de la « race khmère », et souhaitant appliquer un maoïsme extrême en vidant les villes de leurs habitants pour les rééduquer dans les champs, quand ils n’étaient pas exécutés. Tout cela en recouvrant leur pensée d’un vernis bouddhiste pour appuyer une certaine idée de la vertu et de l’ascétisme.
Les charniers, destructions et autres atrocités commises entre 1975 et 1979 sont symbolisés par la prison de Tuol Sleng, ou « S21 ». En plein centre de Phnom Penh et sous la main de l’impitoyable bourreau Duch, des dizaines de milliers de personnes y ont été torturées et tuées, victimes d’une épuration follement méticuleuse. Largement documentée depuis, la machine de mort du « Kampuchéa démocratique », du nom du régime d’alors, s’est échinée à exterminer les minorités vietnamienne et cham (ethnie musulmane d’Asie du Sud-est), ainsi que tous les opposants ou soupçonnés de l’être.
Le brouillard entourant la période est encore très dense
Voulant coloniser une partie du Vietnam, les hommes de Pol Pot s’attirent le soutien des États-Unis, vaincus par ceux de Hô Chi Minh, et de la Chine ; les deux pays affirmant que le Vietnam était une tête de pont soviétique dans la région. Jusqu’en 1991, le représentant du Cambodge aux Nations unies provenait de la « résistance », comprendre : un Khmer rouge.
Si Pol Pot et ses cadres sont chassés en 1979, ils continuent à lutter jusqu’en 1985. Ce n’est qu’en 2010, et au cours d’autres verdicts ultérieurs, que certains d’entre eux seront jugés pour leurs crimes, devant un tribunal parrainé par l’ONU mis en place en 2006, au terme d’années de négociations entre le régime de Phnom Penh et la communauté internationale. Et le brouillard entourant la période est encore très dense.
Même lors de la crise de 1997, les deux camps politiques continuaient de négocier avec la guérilla khmère rouge pour s’attirer ses faveurs. Cette crise porta justement au pouvoir Hun Sen, qui avait combattu aux côtés des nationalistes et s’était enfui pour éviter un retour de bâton. Sous son règne de plus de quarante ans, le premier ministre aux airs de dictateur a construit une société autoritaire, malmenant toujours plus les droits humains dans le pays, conduisant une véritable répression antisyndicale. En 2023, il laisse enfin la main… à son fils, Hun Manet.
Par Axel Nodinot – L’Humanité – 17 avril 2025
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