Infos Viêt Nam

Guerre commerciale avec les Etats-Unis : le Vietnam, « colonie de la Chine » malgré lui

Le pays d’Asie du Sud-Est, pris dans la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, voit ses ambitions de partenariat avec Washington freinées par l’ombre envahissante de Pékin.

Le 2 avril 2025, à peine Donald Trump avait-il annoncé de nouveaux droits de douane massifs contre les importations étrangères, que To Lam, secrétaire général du Parti communiste vietnamien, prenait son téléphone. Premier dirigeant asiatique à joindre le président américain, il lui proposait un geste spectaculaire : supprimer tous les droits de douane sur les produits américains. Une tentative claire de courtiser Washington et d’échapper à une sanction majeure : une taxe de 46 % sur ses exportations vers les Etats-Unis.

Mais derrière cette démonstration de bonne volonté, un obstacle de taille demeure : la Chine. Car tout en flattant publiquement sa relation avec Hanoï, Donald Trump n’en freine pas moins les efforts vietnamiens pour parvenir à un accord commercial bilatéral avec les Etats-Unis, tant que le pays reste – selon lui – porte de sortie pour les produits chinois. En effet, afin d’éviter les surtaxes imposées par Washington, certaines firmes de l’empire du Milieu expédient leurs marchandises via des pays tiers comme le Vietnam. Pékin, sans apparaître frontalement, bloque donc de fait tout rapprochement stratégique durable entre Hanoï et Washington. « Peu de pays sont autant pris dans la géopolitique actuelle que le Vietnam. Il se situe entre les Etats-Unis et la Chine dans de nombreuses chaînes d’approvisionnement. Ces deux pays sont ses deux principaux partenaires commerciaux », résume The Economist.

Officiellement donc, les discussions entre les Etats-Unis et le Vietnam avancent. Parmi les gestes réalisés par Hanoï : l’achat d’avions Boeing, un accord avec SpaceX et même l’inauguration par Eric Trump, fils de Donald Trump, d’un complexe hôtelier de la Trump Organization au Vietnam. Mais l’administration américaine reste méfiante. Celle-ci « souhaite que le Vietnam fasse davantage pour sévir contre les entreprises qui réacheminent des marchandises de la Chine vers le Vietnam pour éviter les droits de douane, une pratique connue sous le nom de transbordement », explique le New York Times. Plus brutal encore, Peter Navarro, ex-conseiller de Donald Trump, qualifie le Vietnam de « colonie de la Chine ». Une rhétorique qui souligne à quel point l’image du pays reste gravée, aux yeux des Américains, dans les réseaux de production chinois.

Une courroie de transmission de la puissance industrielle chinoise

Ce soupçon n’est pas sans fondement. En avril, alors que les produits chinois étaient frappés de 145 % de droits de douane par les Etats-Unis, les exportations vietnamiennes vers les USA ont bondi à près de 12 milliards de dollars. Mais les importations en provenance de Chine suivent le même chemin : 15 milliards de dollars en avril 2025, selon des estimations relayées par des responsables vietnamiens. Alors que ce double mouvement alimente les soupçons américains, le Vietnam tente de rassurer son partenaire : les autorités de Hanoï ont bien mis en place un groupe de travail spécial contre la fraude commerciale, collaborent avec les douanes américaines et tentent de prouver que leurs produits sont vraiment « Made in Vietnam ». Mais rien n’y fait.

Ironie du sort, le Vietnam a été l’un des grands bénéficiaires des tensions sino-américaines. Son excédent commercial avec les États-Unis a atteint 123,5 milliards de dollars en 2024, contre 38,3 milliards de dollars en 2017. Grâce à sa main-d’œuvre bon marché et sa stabilité politique, il est devenu un acteur central dans l’assemblage électronique mondial. Le pays asiatique est courtisé par Washington pour contrer la Chine, et par Pékin pour consolider les chaînes de valeur asiatiques. Résultat : les deux superpuissances sont aujourd’hui ses deux principaux partenaires commerciaux

Alors que cette position stratégique pourrait se retourner contre lui, le Vietnam joue alors les équilibristes : il ne peut ni rompre avec la Chine, ni sceller une alliance franche avec les Etats-Unis. Face à cette tenaille, le pays regarde vers l’Union européenne, avec qui un accord de libre-échange est déjà en vigueur. Alors qu’Emmanuel Macron entame dimanche 25 mai une tournée en Asie du Sud-Est, une coopération avec économique renforcée avec Bruxelles pourrait permettre au Vietnam de s’affranchir en partie de sa double dépendance, en diversifiant ses débouchés et en réduisant les risques géopolitiques. Le Vietnam pourrait bien devoir choisir son camp.

Lexpress.fr – 25 mai 2025

En poursuivant la visite de ce site, vous acceptez l’utilisation de traceurs (cookies) vous permettant juste d'optimiser techniquement votre navigation. Plus d’informations

En poursuivant la visite de ce site, vous acceptez l’utilisation de traceurs (cookies) vous permettant d'optimiser techniquement votre navigation. Aucune information sur votre utilisation de ce site ne sera partagée auprès de quelconques médias sociaux, de sociétés commerciales ou d'agences de publicité et d'analyse. Cliquer sur le bouton "Accepter", équivaut à votre consentement.

Fermer