Pour mieux comprendre les tensions entre la Thaïlande et le Cambodge

Les relations sont tendues entre la Thaïlande et le Cambodge. C’est un fait d’actualité mais également un fait historique. Et les frontaliers n’en peuvent plus. Tentons d’y voir un peu plus clair.

« L’armée thaïlandaise se prépare à « une opération de haut niveau » si le conflit à la frontière avec la Cambodge s’intensifie », annonce l’agence Reuters. L’occasion de faire un point sur la situation et d’en comprendre l’historique et les enjeux. En fin de semaine dernière, l’armée a déclaré que ses renseignements indiquaient que le Cambodge avait renforcé sa préparation militaire à la frontière pendant que des efforts diplomatiques étaient en cours. Une information qui a de quoi inquiéter la Première ministre, qui a réuni le Conseil de sécurité nationale vendredi, demandant à l’armée de se tenir prête en cas d’escalade. Pour éviter des conséquences qui pourraient être dramatiques, des moyens pacifiques sont recherchés.

La Thaïlande se dit prête à défendre sa souveraineté

Les choses se sont envenimées le 28 mai lorsqu’une brève escarmouche dans une zone frontalière non délimitée a causé la mort d’un soldat cambodgien. Le dialogue et la prudence sont de mise des deux côtés, même si la Thaïlande se dit prête à défendre sa souveraineté. Les deux pays, depuis, se renvoient la balle quant à savoir qui est responsable du premier tir, chacun, évidemment, renvoyant au camp d’en face cette agression. Reuters explique qu’existe entre les deux pays une sorte de rivalité amicale. « Bien que les deux voisins entretiennent une rivalité historique, leurs gouvernements entretiennent des liens amicaux, en partie grâce aux relations étroites entre leurs anciens dirigeants influents, le Thaïlandais Thaksin Shinawatra et le Cambodgien Sen, dont la fille et le fils sont respectivement aujourd’hui Premiers ministres de leurs pays. »

L’armée thaïlandaise défend l’approche pacifique du gouvernement

Il faut également rappeler que l’histoire des relations entre la famille Shinawatra et l’armée thaïlandaise a connu bien des soubresauts, l’armée ayant renversé deux de ses gouvernements, lors des coups d’État de 2006 et 2014. Dans la crise actuelle, l’armée affirme défendre l’approche pacifique du gouvernement. Les ministres de la Défense des deux pays se sont rencontrés et Phumtham Wechayachai, le ministre thaïlandais, a déclaré y avoir proposé que les deux parties se retirent sur des positions précédemment convenues en 2024.

La Thaïlande conteste la carte de sa frontière avec le Cambodge

Les derniers affrontements meurtriers entre les deux pays, poursuit Reuters, datent de 2011. Ils concernaient alors un différend toujours aigu, qui concerne le temple de Preah Vihear, vieux de 900 ans, dont les deux pays revendiquent la propriété depuis bien longtemps. La Cour Internationale de Justice a tranché en faveur du Cambodge en 2013, clarifiant une décision de 1962. Le Cambodge veut à nouveau s’en remettre à cette Cour. Problème majeur : la Thaïlande refuse d’en reconnaître la compétence.

Partageant 817 kilomètres de frontière, plusieurs points en sont contestés depuis un siècle. C’est en 1907 que la France l’a cartographiée, alors que le Cambodge était sa colonie. La Thaïlande l’a ensuite contestée. En 2000, les deux pays ont décidé de créer une commission frontalière mixte mais il semblerait que peu de progrès aient été effectués. Force est de constater que d’année en année et de décennie en décennie, on pourrait citer de nombreux autres points d’achoppement qui prouvent que les positions n’en finissent pas de rester statiques.

Les habitants de la frontière entre Thaïlande et Cambodge construisent des bunkers

La rédaction du Bangkok Post, de son côté, nous raconte comment la BBC est partie en reportage dans la province de Sa Kaeo, où l’on est tout sauf statique. Craignant une escalade des tensions, les habitants échaudés y ont préparé des bunkers. Ils s’inquiètent de l’impasse apparente dans laquelle se trouvent les efforts diplomatiques et des mouvements militaires auxquels ils assistent aux premières loges. Un habitant qui vit à 62 kilomètres de la frontière y raconte ses craintes, lui qui a perdu une jambe en sautent sur une mine. Avec son voisin, il construit une pièce sécurisée entre leurs deux maisons, au cas où… « Nous ne savons pas quand les explosions peuvent se produire et, s’il y a des combats, nous aurons besoin d’un endroit pour nous abriter, explique le voisin. Nous devrons rester ici jusqu’à ce que les autorités puissent venir nous évacuer. »

À la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge, on vit dans la pauvreté et la peur

Six autres bunkers de sécurité officiels sont à disposition dans un temple local et ont été utilisés lors des fameux derniers affrontements de 2011. Si les deux hommes craignent avant tout pour leur vie et celles de leurs proches, ils expliquent que les tensions ont également un impact sur le commerce et l’agriculture dans la région. Un riverain explique ainsi que la situation à la frontière l’a empêché de planter les cultures qui, habituellement, permettent à sa famille de subvenir à ses besoins. Une autre n’ose plus s’aventurer aux champignons sauvages près de la frontière. Quant à la directrice de l’école, elle ne pense qu’à la protection de ses quatre-cents élèves et donc à la préparation des bunkers. Eux qui vivent déjà dans la pauvreté voient la perspective d’une guerre avec grande inquiétude.

Par Franck Stepler – Lepetitjournal.com – 9 juin 2025