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Casinos, corruption et travail forcé : rien ne va plus entre la Thaïlande et le Cambodge

Le 28 mai dernier, une fusillade à Chong Bok, zone frontalière entre la Thaïlande et le Cambodge, a entraîné la mort d’un soldat cambodgien. Si l’incident a été officiellement décrit comme un différend territorial, ses répercussions ont été bien plus larges : coupures d’électricité, de carburant et une réduction drastique des horaires de passage ont été imposées côté thaïlandais.

En toile de fond, une économie parallèle estimée à plusieurs milliards de bahts : celle des casinos frontaliers, au cœur d’un système mêlant intérêts privés, réseaux politiques et travail forcé. 

À la frontière, le jeu dépasse le divertissement 

Les tensions à Chong Bok ont contribué à un durcissement des contrôles et une interruption partielle des flux entre les deux pays. Or, ces frontières accueillent une grande concentration de casinos notamment à Poipet, Koh Kong ou encore Sihanoukville dont l’économie repose en grande partie sur la clientèle thaïlandaise qui franchit la frontière pour contourner l’interdiction du jeu dans son pays. 

L’enquête du Centre d’études sur les jeux d’argent révèle que ces casinos ne sont pas de simples lieux de divertissement. Ils servent aussi de canaux pour pratiques de blanchiment d’argent, de financement politique, voire d’exploitation humaine. L’enquête pointe des liens étroits entre certains établissements et des figures politiques de haut rang, notamment via des sociétés écrans ou des co-entreprises. 

Un empire du jeu sous-contrôle politico-financier ? 

Le Cambodge compte aujourd’hui environ 150 casinos, dont une large majorité située à proximité de la frontière thaïlandaise. Poipet est le centre névralgique de cette activité, abritant des établissements comme le Grand Diamond City, propriété de Watthana Asavahem, ancien député thaïlandais aujourd’hui incarcéré pour fraude foncière, le Holiday Poipet, une co-entreprise entre investisseurs indonésiens, chinois et thaïlandais ou encore le Star Vegas, lié à des capitaux taiwanais et à des personnalités cambodgiennes. 

L’enquête met en exergue que les casinos ne servent pas seulement à divertir, ils sont des endroits privilégiés de blanchiment d’argent et de financement politique. Côté thaïlandais, des pots-de-vin sont régulièrement versés pour faciliter le passage de joueurs, la délivrance de passeports ou encore le transfert de fonds. Côté cambodgien, les passes-droits sont monnayés à chaque niveau du pouvoir. Le rapport d’enquête décrit un système informel dans lequel d’anciens officiers ou gouverneurs cambodgiens obtiennent des parts dans les casinos en échange d’autorisations foncières ou de licences d’exploitation. 

Derrière cette économies, plusieurs figures apparaissent régulièrement : 

  • Kok An, conseiller économique de Hun Sen, impliqué dans le controversé projet de casino Princess Crown, (abandonné après des protestations). 
  • “Tony”, investisseur indonésien à l’origine du Holiday Palace. 
  • Chen Lip Keong, homme d’affaires malaisien fondateur de NagaCorp, opérateur du célèbre Naga World. 
  • “Sia Somboon”, entrepreneur thaïlandais, impliqué dans Star King et Star Vegas. 

Des réponses fragmentées face à un phénomène transnational

Face à cette situation, le gouvernement thaïlandais envisage une régulation nationale du secteur du jeu via le projet de loi Integrated Entertainment Complex Bill. Ce texte prévoit la création de complexes multi-activités incluant des casinos, avec des exigences strictes (supervision par une autorité indépendante, droit d’entrée coûteux…). L’objectif est double : réduire la corruption transfrontalière et réintégrer dans l’économie formelle une activité largement répandue mais illégale dans le pays. Cependant, ce projet de loi reste controversé.*

Côté cambodgien, les autorités démentent systématiquement les accusations de travail forcé ou de corruption, en qualifiant certains rapports internationaux de “politiquement motivés”. Cette divergence de traitement complique les efforts de coopération transfrontalière. 

Entre flux d’argent, intérêt géopolitique et absence de régulation cohérente, les casinos frontaliers sont devenus un symbole des tensions régionales. Tant que les deux Etats maintiendront des zones grises, les pratiques controversées perdureront. La question centrale n’est plus de savoir si l’empire du jeu va s’effondrer, mais qui en tirera profit et à quel prix.

Par Nesrine Boulakhlas – Thailande-fr.com – 28 juin 2025

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