Embellie confirmée entre Saint-Siège et le Vietnam

Lors de la première visite à Rome d’une délégation envoyée par le nouveau président Lương Cường afin de rencontrer le Pape Léon XIV, les deux parties ont salué l’évolution positive de leurs relations, marquant indirectement leur volonté de poursuivre sur cette voie. Nous revenons sur les pas accomplis et sur la contribution de l’Eglise au Vietnam.

Les hommes changent mais les intentions demeurent. Cette semaine, le chef d’État du Vietnam a délégué à Rome, pour la première fois depuis son arrivée au pouvoir en octobre 2024, sa vice-présidente. Vo Thi Anh Xuan a été reçue ce lundi par le Pape Léon XIV, lui-même récemment élu au siège de Pierre. À l’issue d’entretiens à la Secrétairerie d’État, un communiqué de la Salle de presse du Saint-Siège a fait savoir que les deux parties avaient exprimé leur «vive appréciation» pour «l’évolution positive des relations entre le Saint-Siège et le Vietnam», confirmant le réchauffement scellé en 2023.

Alors, 48 ans après l’interruption de toute relation bilatérale avec le Vatican en 1975, un accord était signé à Rome par l’ancien président du pays communiste Vo Van Thuong, sur le statut de résident à Hanoi du Représentant pontifical, concrétisé par la suite par la nomination fin 2023 puis l’arrivée au Vietnam en 2024 de Mgr Marek Zalewski. L’historienne Claire Tran, maître de conférences à l’université Paris Cité et spécialiste de l’histoire du catholicisme au Vietnam, souligne l’importance de l’accord scellé.

La nomination puis l’arrivée de Mgr Zalewski marque un point d’étape important dans les relations entre le Saint-Siège et le Vietnam…

Cette nomination est extrêmement importante. Même si Mgr Zalewski n’a pas le titre de nonce et qu’il ne s’agit pas d’une reprise officielle des relations diplomatiques, ne sont pas des relations officielles, il s’agit quand même du premier représentant depuis l’expulsion du délégué apostolique du Nord-Vietnam en 1959 et du Sud en 1975. On peut dire que c’est le seul pays communiste en Asie qui a une représentation permanente du Saint-Siège. C’est un élément important du pontificat de François qui est néanmoins le fruit de quinze ans de dialogue. Depuis 2009, un groupe de travail mixte qui se réunit chaque année, tantôt à Hanoï, tantôt à Rome. Outre le travail de cette commission, il faut souligner le rôle du cardinal Parolin, qui est vraiment un des acteurs majeurs de ce rapprochement, un interlocuteur privilégié des Vietnamiens.

Après la signature de cet accord, le Pape a adressé une lettre aux catholiques du Vietnam. Quelle en était la teneur?

François resituait sa lettre dans le contexte du Concile Vatican II, citant à la fois Jean XXIII, Jean-Paul II ainsi que Benoît XVI. Il insiste d’une part sur le rôle social de l’Église, l’idée que les catholiques devaient participer à l’édification du bien commun dans tous les domaines de la vie sociale du pays. Et deuxième point, il souligne la loyauté des catholiques au gouvernement, c’est à dire d’être de bons chrétiens, de bons citoyens dans le cadre de la légalité. L’Église s’engage au niveau social, tout en étant respectueuse du pouvoir, c’est à dire du Parti communiste vietnamien. Cela a été entendu puisqu’à la mort du Pape, plusieurs personnes du gouvernement ont présenté leurs condoléances, à différents niveaux, à Rome mais aussi au représentant du Pape à Hanoï ou encore à Hô Chi Minh-Ville. Dans ces discours, ils disaient tous qu’il comptait sur les catholiques et sur le Vatican pour soutenir le développement du pays.

L’ancien président Vo Van Thuong avait invité le Pape François au Vietnam fin 2023. Il a depuis démissionné, tandis que le secrétaire du parti communiste est décédé, un calendrier qui n’a pas permis au Pape argentin de se rendre dans le pays d’Asie du Sud-Est qui, en proportion, compte la 3ème plus grande communauté catholique après les Philippines et le Timor Oriental. Les catholiques du Vietnam attendent la venue du Saint-Père, ils ont néanmoins déjà accueilli son représentant. Quel changement cela peut-il apporter?

Un des sujets principaux, c’est la nomination des évêques. Or, il y a eu un processus déjà consolidé qui a été mis en place entre le Vatican et Hanoï, choix fait ensemble, qui devrait s’inscrire dans la continuité, tant du côté du Vatican que du côté vietnamien.

Donc le processus de nomination reste inchangé. Que dire de la contribution de l’Eglise dans le pays?

L’Église a déjà un rôle au niveau social dans le Vietnam d’aujourd’hui, via notamment le travail de Caritas, rétabli depuis déjà quelque temps. À la suite de la pandémie de Covid-19, il faut noter le rôle de l’Église auprès des pauvres pour approvisionner les gens qui ne pouvaient plus travailler et qui avaient vraiment des problèmes graves. L’Église a été très active et a été félicitée par le gouvernement. Donc, je pense que l’Église va essayer de développer toujours davantage cet aspect.

Autre question, celle de l’éducation. Une éducation catholique n’est toujours pas accessible. Des religieuses s’occupent des classes de maternelles, mais il n’y a pas de possibilité d’avoir, par exemple, un lycée catholique. Il y a un peu moins de dix ans, en 2016 de mémoire, le gouvernement du Vietnam a créé une université catholique. Il ne s’agit pas d’une université catholique dotée de toutes les disciplines, notamment de sciences sociales. C’est une université visant à enseigner la théologie. Il y a des bâtiments provisoires mais je ne sais pas si aujourd’hui le bâtiment a été construit en dur. Un point important serait de donner à l’Église plus de moyens et de possibilités d’enseigner. Je pense que ça va prendre encore du temps, mais c’est un vrai sujet.

Autre sujet, sans doute un peu plus sensible, la question des biens de l’Église. On se souvient, il y a dix ans encore, de sit-in catholiques. Où en est-on aujourd’hui?

La question des biens de l’Église n’est pas du tout une priorité pour le Vietnam, mais pas non plus pour le Vatican. Après 1975, la plupart des biens de l’Église ont été saisis par le gouvernement vietnamien, des écoles, des hôpitaux, etc. Les catholiques n’étaient pas les seuls concernés, ce fut le cas de toutes les religions. Cela demeure un enjeu très sensible. Je pense que cela va se résoudre progressivement au cas par cas, ce que facilite la présence du représentant du Pape à Hanoï.

L’Église a été invitée par François à participer à l’édification du bien commun, tout en respectant les autorités. Mais dans les faits, ce peut être complexe, je pense notamment à la sauvegarde de la Maison commune.

Avec l’encyclique du Pape Laudato si’, un accent a été mis par l’Église sur la question de l’écologie, qui est là encore un sujet délicat, puisque le développement économique du Vietnam est quelquefois en contradiction avec des exigences d’écologie. Il est ainsi déjà arrivé que des catholiques se soient engagés sur ces sujets et que, pour certains, ils aient été incarcérés. Je pense à l’affaire Formosa, une entreprise taiwanaise à l’origine d’une fuite de produits toxiques dans le centre du Vietnam en 2016. Tout un écosystème a été détruit, et beaucoup de villages catholiques se trouvaient autour de l’usine. L’Église s’est engagée à défendre le droit de ces pêcheurs, de tous les pêcheurs, pas uniquement catholiques.

Par Delphine Allaire & Marie Duhamel – Vatican News – 4 juillet 2025