Hua Hin, une histoire royale en Thaïlande
Ancien village de pêcheurs, cette station balnéaire indissociable de la monarchie et de la bourgeoisie de Bangkok incarne le calme et la sérénité. Épargnée par le tourisme effréné, elle séduit aujourd’hui des familles en quête de tranquillité.
Les Thaïlandais la décrivent comme « belle » et « paisible ». Nichée sur les rives du golfe de Thaïlande, Hua Hin s’étire entre sable blond, villas en bois de teck, hôtels et immeubles résidentiels, bercée par le ressac et la quiétude environnante. À l’aube, des chevaux trottent parfois sur une plage encore déserte qui baigne dans un air salin.
Située à 200 km au sud de Bangkok, cette ville d’environ 60 000 habitants est la plus ancienne station balnéaire du royaume. Choisie au début du siècle dernier par la monarchie comme lieu de villégiature, puis adoptée par les élites de la capitale, Hua Hin est aujourd’hui moderne et accessible au grand public, mais n’a rien perdu ou presque de son charme d’antan. Surtout, elle séduit par sa discrétion.
« À Hua Hin, les Thaïlandais apprécient le tourisme de loisir qui combine repos et dégustation de fruits de mer. Les étrangers aiment aussi venir se détendre. Ils recherchent une atmosphère paisible, loin de l’agitation, pour prendre leur temps », résumait en 2015 une responsable de l’office du tourisme dans les colonnes du Bangkok Post.
Village de pêcheurs
À l’origine, Hua Hin était un modeste village de pêcheurs. Fondé vers 1834 par un groupe d’agriculteurs venus de Phetchaburi, dont les terres avaient été ravagées par une terrible sécheresse, ils trouvèrent, plus au sud, une petite bourgade en bord de mer, près de l’actuelle jetée. Ils y construisirent des maisons en bois sur pilotis et baptisèrent le lieu « Samor Riang » (« rangée de rochers ») en raison des formations rocheuses qui affleurent le long de la côte.
Puis au début du XXème siècle, la famille royale se mit à fréquenter les environs. Des récits locaux racontent que le prince Chakrabongse Bhuvanath, fils du roi Chulalongkorn (Rama V) est d’abord tombé sous le charme du petit village à l’issue d’une partie de chasse organisée pour la réception du grand-duc de Russie dans la région. C’est ensuite le prince Purachatra Jayakara qui, « après être allé admirer le site, écrit l’universitaire Prudhisan Jumbala dans un article de blog, informa le roi Vajiravudh (Rama VI) et encouragea avec succès plusieurs membres de la famille royale et quelques nobles à acquérir des terrains pour y construire leurs résidences secondaires ». « Le prince Nares Varariddhi fut le premier à le faire, ajoute l’expert. C’est lui qui donna à cet endroit son nouveau nom, Hua Hin. »
Le développement du chemin de fer joue au même moment un rôle décisif : mise sur pied par des ingénieurs britanniques mandatés par l’État siamois (le Siam étant l’ancien nom de la Thaïlande), la ligne relie Bangkok à Hua Hin pour la première fois en 1911. Ce progrès, comme le souligne un article du Time, « met fin aux longs trajets à dos d’éléphant que la famille royale devait effectuer depuis Bangkok pour se rendre à la plage ».
La gare historique de Hua Hin, avec sa façade en bois de style victorien et son pavillon royal, devient alors l’une des plus emblématiques du royaume — toujours debout, elle est encore desservie aujourd’hui, même si une gare moderne a depuis été érigée pour accueillir les trajets les plus fréquents. En 1923, l’entreprise ferroviaire publique fit construire en front de mer un hôtel pour les voyageurs aisés : le Railway Hotel, devenu aujourd’hui le Centara Grand, qui attire une clientèle huppée, locale comme étrangère.
Palais d’été
Mais c’est en 1928 que s’opère un tournant : le roi Rama VII fait bâtir le palais Klai Kangwon (littéralement « loin des soucis »), une résidence estivale officielle et permanente. Cet ancrage institutionnalise durablement la présence royale à Hua Hin. À l’époque, de nombreuses autres villas voient le jour, et la bourgeoisie de Bangkok trouve là, tout au long du XXème siècle jusqu’à aujourd’hui, un refuge pour échapper au tumulte de la capitale, le temps d’un week-end ou d’un été.
« Le roi Rama IX [père du roi actuel Rama X, NDLR] a vécu plusieurs années à Klai Kangwon », rappelle Didi qui, depuis son enfance, venait chaque année à Hua Hin dans la maison de vacances familiale. Vénéré par les Thaïlandais, le roi Bhumibol Adulyadej (Rama IX) aimait séjourner au palais d’été, devenu sa résidence quasi-permanente au mitan des années 2000, lorsque sa santé a commencé à décliner.
Hôtels modernes, infrastructures touristiques, visiteurs étrangers : sous son règne, Hua Hin se développe à un rythme mesuré, sans dénaturer son cachet initial. « Aujourd’hui, l’atmosphère calme et paisible est restée la même », décrit Didi, qui vit entre la capitale et Hua Hin. Pour cette Thaïlandaise de 54 ans originaire de Bangkok, l’attachement de la famille royale à la station balnéaire y est pour quelque chose : puisque le roi Rama IX était souvent dans le coin, dit-elle, rien ne devait dépasser.
Aucun boom spectaculaire ni vie nocturne tapageuse, comme à Pattaya ou Phuket, stations balnéaires plus populaires et parfois lieux d’excès. « Ici, les mafieux n’oseraient pas venir faire n’importe quoi », confirme Woo, le compagnon de Didi, qui évoque les casernes militaires non loin afin d’assurer la protection du palais.
« Deauville Thaïe »
Aujourd’hui, les gratte-ciel sont donc rares, les clubs discrets, et les grands complexes hôteliers coexistent avec les marchés de nuit et le mode de vie traditionnel thaïlandais. Au sud, le village de Khao Takiab conserve ce visage d’un Hua Hin d’autrefois, avec ses maisons de pêcheurs, ses barques amarrées sur la plage et son temple perché sur la colline. La ville attire désormais les classes moyennes, les retraités étrangers et les familles en quête de calme.
Durant sa jeunesse, Mongkorn, 49 ans, visitait tous les ans Khao Takiab pour rendre visite à sa grand-mère. Malgré la bétonisation de certaines zones, « Hua Hin a gardé son essence », soutient-il. De Bangkok lui aussi, ce père de deux enfants savoure son installation définitive en bord de mer : « Je vis ici depuis cinq ans et je ne me vois pas retourner à Bangkok, explique le DJ, qui tient un skateshop. Le cadre de vie est bien mieux pour les enfants : il y a peu de circulation, de l’espace et c’est sûr par rapport à d’autres endroits. Nous avons une école internationale, deux centres commerciaux, on vit confortablement ici. »
Loin du tourisme effréné, la station balnéaire héberge chaque année un festival international de jazz, de cerfs-volants, ainsi qu’une course de voitures de prestige. Arrivé au début de la pandémie, le Français Harauld Sextus, habitué aux mégalopoles, a d’abord eu du mal à apprécier la vie lente de Hua Hin. « Avec le temps, confie ce chef exécutif de cuisine et artiste de 47 ans, je comprends pourquoi tant de gens s’installent ici, dans cette « Deauville Thaïe ». C’est l’endroit parfait pour couper avec le rythme de Bangkok, passer du bon temps en famille. L’air y est plus doux. Les bandes de copains s’y retrouvent pour se pavaner en voiture de collection ou en Harley Davidson. » « D’un côté, la plage, le kitesurf, la pêche, le bateau, ajoute-t-il, et de l’autre, la beauté des collines et montagnes, avec le golf, les randonnées, la pratique du motocross : on devient vite accroc aux paysages, à la cuisine et à la chaleur des gens. C’est ça Hua Hin ! »
Par Valentin Cebron – Radio France Internationale – 22 juillet 2025
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