Birmanie : l’ONU alerte sur la famine croissante dans l’État Rakhine
La junte militaire impose un blocus contre ses adversaires depuis 2022.
Le Programme alimentaire mondial (PAM) alerte sur une «augmentation spectaculaire de la famine» dans l’État Rakhine en Birmanie, alors que le pays est en proie à une guerre entre la junte au pouvoir et les différents groupes armés qui s’y opposent, depuis le coup d’État militaire qui renversa le gouvernement civil élu en février 2021. Dans un communiqué, l’agence humanitaire explique que dans cette région du sud-ouest de la Birmanie, 57% des familles ne peuvent plus subvenir à leurs besoins alimentaires de base, soit 24% de plus qu’en décembre dernier. Depuis le blocus imposé par la junte au pouvoir en septembre 2022, la situation ne fait que se dégrader: «une combinaison mortelle de conflits, de blocus et de réductions budgétaires entraîne une augmentation spectaculaire de la famine et de la malnutrition», met en garde le PAM.
La junte impose en effet un blocus à l’Armée d’Arakan (AA), un puissant groupe armé ethnique qui contrôle l’État Rakhine et revendique l’autonomie de ce dernier. Les routes commerciales vitales sont coupées et l’armée empêche les activités agricoles ainsi que la pêche.
«Les gens sont pris au piège dans un cercle vicieux: coupés du monde par le conflit, privés de leurs moyens de subsistance et laissés sans filet de sécurité humanitaire, souligne Michael Dunford, le directeur du PAM en Birmanie, dans un communiqué. Sans une action urgente, cette crise va dégénérer et devenir une catastrophe majeure». Comme ailleurs dans le monde, le travail des organisations humanitaires est par ailleurs rendu particulièrement compliqué après les coupes dans l’aide humanitaire américaine, décidées par Donald Trump en janvier dernier. Les États-Unis finançaient près de la moitié des 9,7 milliards de dollars de contributions que le PAM avait obtenues auprès des donateurs internationaux en 2024.
L’ONU avait déjà alerté sur le risque de famine à Rakhine. En novembre 2024, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) avertissait sur le risque de famine dans l’État Rakhine. Avec le blocus et l’arrêt quasi total du commerce intérieur et extérieur, l’économie de la région a cessé de fonctionner, le commerce et l’agriculture sont pratiquement à l’arrêt. La production de riz, alimentation de base de la population, est en chute libre. Cela a provoqué des absences de revenus et de l’hyperinflation, entraînant une famine croissante.
La population rohingya particulièrement vulnérable
La population Rohingya est particulièrement affectée par la famine. Les membres de cette minorité musulmane, dans un pays majoritairement bouddhiste, ne sont pas reconnus comme des citoyens par le gouvernement et sont victimes de discriminations et violences. Médecins sans frontières indique que les Rohingyas sont de plus en plus nombreux à fuir l’État de Rakhine vers le Bangladesh, pour fuir la junte militaire mais aussi les violences perpétrées par l’AA.
Un réfugié rohingya arrivé au Bangladesh en juin a expliqué à Human Rights Watch que, dans l’État contrôlé par l’AA, «Nous n’avions pas le droit de travailler, de pêcher, de cultiver la terre, ni même de nous déplacer sans autorisation. Nous étions confrontés à d’extrêmes pénuries alimentaires, la plupart des gens mendiaient». Selon l’ONG, l’AA confisque les terres agricoles, les maisons, le bétail et les prises de pêche des Rohingyas, aggravant encore la famine pour cette population, par ailleurs victime d’atrocités de la part des deux parties du conflit.
Par Cyann Cuny – Le Figaro – 19 août 2025
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