Prince Group dans la tourmente : Phnom Penh promet de coopérer
Visés par d’importantes sanctions américaines et britanniques, le magnat Chen Zhi et son Prince Group secouent le Cambodge, qui jure transparence et coopération totale.
Le Cambodge se retrouve au cœur d’un séisme financier et jusdisciare. Après les sanctions massives imposées par les États-Unis et le Royaume-Uni contre le conglomérat Prince Group et son président Chen Zhi, accusés d’avoir dirigé un réseau mondial d’escroqueries en ligne, Phnom Penh promet de jouer la carte de la coopération.
Les deux puissances occidentales parlent de la plus grande opération jamais menée contre une fraude numérique en Asie du Sud-Est, impliquant le Cambodge et la Birmanie.
Chen Zhi, l’homme au centre de la tempête
Le Département du Trésor américain décrit Chen Zhi comme le cerveau d’un empire criminel ayant escroqué des milliers de personnes à travers des investissements frauduleux.
Ses profits auraient été blanchis à travers plus de 100 sociétés écrans avant d’atterrir dans des entreprises légitimes, dont Prince Holding Group, Prince Bank Plc. et Prince Huan Yu Real Estate.
Les chiffres donnent le vertige : 15 milliards de dollars en bitcoins saisis par la justice américaine et 172 millions de dollars de biens immobiliers confisqués à Londres.
Phnom Penh joue l’équilibriste
Face à ce scandale, le porte-parole du ministère de l’Intérieur Touch Sokhak assure que le Cambodge restera ferme mais juste.
« Nous coopérerons sur la base de la loi, de preuves suffisantes et du droit international. Le Cambodge ne protégera pas les hors-la-loi », a-t-il déclaré.
Il ajoute : « les investisseurs sont tenus de respecter les règles, mais il est impossible de prévoir leurs actions individuelles ».
Sar Sokha cité à Washington, Phnom Penh dément
Le Dismantle Foreign Scam Syndicates Act, américain mentionne également le ministre de l’Intérieur Sar Sokha parmi les responsables susceptibles d’être sanctionnés.
Touch Sokhak balaie l’allégation : « Il n’a aucun lien d’affaires avec Chen Zhi. Ces accusations sont fausses. Et s’il faut enquêter, il coopérera sans crainte. »
Une crise à transformer en opportunité
Pour Aun Chhengpor, chercheur au Future Forum, cette crise peut devenir un tournant positif pour le Cambodge.
« C’est une occasion unique de prouver que le pays peut faire preuve d’intégrité, de transparence et de responsabilité. Pour certains, c’est leur D-Day contre les réseaux illicites », analyse-t-il.
Phil Robertson, directeur de Asia Human Rights and Labour Advocates (AHRLA), salue lui aussi une étape décisive :
« Les gouvernements doivent continuer à cibler tous les acteurs de cette industrie de l’ombre, responsable d’énormes souffrances pour les victimes et les travailleurs réduits en esclavage. »
Il appelle Phnom Penh à prendre le train en marche : « Le Cambodge doit agir, ou risquer de se retrouver du mauvais côté de l’histoire. »
Une criminalité tentaculaire
D’après le Département du Trésor américain, le Prince Group TCO serait impliqué dans le blanchiment d’argent, la corruption, la sextorsion, les jeux illégaux et la traite d’êtres humains.
Derrière les façades modernes des “smart cities”, des milliers de travailleurs étrangers auraient été piégés par de fausses offres d’emploi, puis contraints à mener des escroqueries en ligne — notamment la tristement célèbre technique du pig butchering, qui mêle séduction et fraude financière.
Ces “escrocs forcés” subissent à leur tour violences, isolement et châtiments, selon plusieurs ONG.
Londres et Washington serrent la vis
« Ensemble avec nos alliés américains, nous prenons des mesures décisives contre cette menace transnationale, pour protéger les droits humains et barrer la route à l’argent sale », a affirmé la ministre britannique des Affaires étrangères Yvette Cooper.
Son homologue américain Scott Bessent renchérit :
« Le Trésor américain agit pour protéger les citoyens face à la montée des escroqueries étrangères. Nous poursuivrons cette lutte main dans la main avec nos partenaires internationaux. »
Les États-Unis estiment que les pertes liées aux fraudes en ligne dépassent 16,6 milliards de dollars, en hausse de 66 % en 2024, une explosion attribuée aux réseaux d’Asie du Sud-Est.
Prince Bank tente de rassurer, mais trébuche
En pleine tempête médiatique, Prince Bank a tenu à préciser que ses activités restaient stables :
« Notre gouvernance est conforme aux normes de la Banque nationale du Cambodge et garantit transparence et indépendance », indique un communiqué.
Mais dès le lendemain, le site et l’application mobile de la banque étaient hors ligne, provoquant la colère des clients. L’établissement a parlé d’un incident technique temporaire, tout en reconnaissant devoir évaluer les conséquences potentielles des régulations de l’OFAC (Office of Foreign Assets Control) pour ses partenaires internationaux.
Phnom Penh sous pression internationale
Les autorités cambodgiennes affirment avoir démantelé 92 centres d’escroquerie en ligne entre juin et octobre, arrêtant 3 455 suspects de 20 nationalités.
Mais la mort d’un jeune Sud-Coréen torturé dans l’un de ces complexes a relancé la colère de Séoul, qui a envoyé des enquêteurs et prévoit d’ouvrir un “Korean Desk” pour faciliter la coopération policière.
Lepetitjournal.com – 17 octobre 2025
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