Dib Bangkok, le tout premier musée de Thaïlande dédié à l’art contemporain international, se dévoile en amont de son ouverture en décembre
La Thaïlande s’apprête à franchir un cap historique. Ce pays d’Asie du Sud-Est, très réputé pour sa culture ancienne, ses paysages luxuriants et sa cuisine savoureuse, va en effet bientôt inaugurer dans sa capitale son tout premier musée dédié à l’art contemporain international, et l’un de ses plus grands espaces consacrés à l’art : un lieu unique à l’architecture épurée, baptisé Dib Bangkok.
Ce 21 octobre au Lutetia, à Paris, en pleine semaine de l’art, son fondateur, son architecte et sa directrice en ont dévoilé les détails en attendant son ouverture prévue le 21 décembre prochain.
Niché dans un ancien bâtiment industriel réhabilité du quartier Rama IV-Kluaynamthai, ce musée de 16 000 m² au total comportera près de 7 000 m² de surface d’exposition (soit à peu près la même que celle de la nouvelle fondation Cartier à Paris) répartis sur trois étages. Musicien et entrepreneur dans l’immobilier, Purat (dit Chang) Osathanugrah l’a fondé pour abriter la collection de son père, Petch Osathanugrah, ancien PDG de la société de production de boissons Osotspa, chanteur et collectionneur d’art thaïlandais aux goûts éclectiques.
Décédé en 2023, cet amateur avait amassé plus d’un millier d’œuvres (réalisées pour la plupart entre les années 1990 et 2020) de 200 artistes thaïlandais et étrangers, comme Montien Boonma, Rirkrit Tiravanija, Kawita Vatanajyankur, Pablo Picasso, Anselm Kiefer, Damien Hirst, Frank Stella, Lee Bul et Takashi Murakami. « Chaque grande ville mérite un grand musée. L’idée est d’introduire les plus jeunes et de nouveaux publics à l’art contemporain, de créer un dialogue intergénérationnel et interculturel. Au cœur de l’effervescence de Bangkok, avec son trafic, ses tuk-tuks, ce musée a été pensé comme une oasis sereine, un havre de paix où on peut ralentir », détaille Chang Osathanugrah.
Un musée à l’architecture minimaliste et apaisante
Pour partager cette collection, il fallait un écrin contemporain. Installé à Los Angeles après des études au Japon, l’architecte et designer thaïlandais Kulapat Yantrasast a transformé un ancien entrepôt d’acier des années 1980 en un lieu à l’architecture minimaliste et méditative, inspirée à la fois du bouddhisme et de l’esthétique industrielle. « Je ne voulais pas concevoir un bâtiment mais un lieu vivant. Même le parking souterrain a été pensé pour pouvoir se transformer en salle de concert. Tout y est pluridisciplinaire, modulable », explique-t-il.
D’abord accueillis par une grande pièce d’eau reflétant l’architecture, et un mur végétalisé encore en cours de croissance, les visiteurs pourront découvrir le rez-de-chaussée – un grand espace industriel brut de 80 mètres de long – et les étages, ainsi qu’une cour centrale de près de 1 400 m² entourée d’une découpe circulaire ouvrant sur le ciel (un peu dans l’esprit du musée d’art de Chichū par Tadao Andō sur l’île japonaise de Naoshima), un jardin de sculptures, un café-restaurant et une terrasse. Sans oublier « la Chapelle » : une salle immaculée en forme de cône tronqué (évoquant une cheminée de centrale nucléaire ou de paquebot), dotée d’un puits de lumière et d’effets acoustiques uniques, pouvant faire penser à un « Skyspace » de l’artiste James Turrell.
40 artistes internationaux réunis pour l’exposition inaugurale
« En thaïlandais, dib signifie ‘cru’, ‘brut’, ‘authentique’ », rappelle la directrice du lieu, l’historienne de l’art et curatrice japonaise Miwako Tezuka, diplômée de l’Université Columbia, ex-directrice associée de la Reversible Destiny Foundation (New York), et ex-curatrice associée à l’Asia Society (également à New York). Celle-ci a concocté une première exposition intitulée « Invisible Presence », qui regroupera 40 artistes de la collection, avec un focus sur le Thaïlandais Montien Boonma, de grandes sphères en pierre polie de l’artiste Alicja Kwade installées dans la cour, une installation vidéo du réalisateur et artiste thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, ainsi que des œuvres de l’Allemande Rebecca Horn, ou encore des Américains Alex Katz et Hugh Hayden. Dib Bangkok se présente ainsi comme la première pousse prometteuse d’un mouvement plus large en Asie du Sud-Est où, précise la directrice, « beaucoup d’autres institutions vont fleurir dans les cinq prochaines années ».
Dib Bangkok – 111 Soi Sukhumvit 40 • 10110 dibbangkok.org
Par Joséphine Bindé – Beauxarts.com – 28 octobre 2025
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