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Le droit du travail expliqué aux travailleurs migrants en Thaïlande

Chiang Mai, Thaïlande – « Combien je toucherais si je mourais dans un accident ? » . Silence dans la salle après cette question terrible posée par l’un des travailleurs migrants lors d’une session de sensibilisation sur le droit du travail organisée par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et la Fondation pour le développement des droits humains (HRDF) dans le nord de la Thaïlande. 

« Vous ne toucheriez rien », répond Ying, la formatrice communautaire qui anime la session. « Mais votre famille recevrait une indemnisation et une aide pour les funérailles. » 

Ying, migrante de 38 ans originaire du Myanmar, est engagée dans sa communauté et aide ses compatriotes à comprendre leurs droits. Pour elle, rien n’est plus gratifiant que de voir les participants gagner en confiance pour poser de telles questions. 

« Aider les personnes à connaître leurs droits me rend heureuse », dit-elle avec fierté. 

Originaire de l’État Shan, au Myanmar, Ying a passé près de la moitié de sa vie à travailler comme employée de maison dans le nord de la Thaïlande. Comme beaucoup d’habitants de son village, ses parents ont émigré en Thaïlande à la recherche d’un emploi. La famille a été séparée pendant des années avant de se retrouver lorsque Ying, alors âgée d’une vingtaine d’années, a suivi leurs traces dans l’espoir d’un avenir plus stable. 

« Au début, tout ce que je voulais, c’était revoir mes parents », se souvient-elle. « Mais ils m’ont encouragée à rester et à me construire une vie meilleure ici. » 

Le fait d’y retrouver ses parents a facilité sa transition vers ce nouveau pays. Ils l’ont aidée à trouver un emploi, à remplir les formalités administratives nécessaires et à apprendre le thaï. 

Mais tout le monde n’a pas cette chance. De nombreux migrants arrivent en Thaïlande sans informations ni compétences linguistiques, ce qui les expose à l’exploitation et aux abus. 

« L’accès à l’information ne se limite pas à connaître ses droits, c’est la première étape vers l’autonomisation et la protection », explique Jitradee Singhakowin, responsable nationale de projet à l’OIM Thaïlande. « Lorsque les migrants sont informés, ils peuvent se défendre, se protéger et inciter les autres membres de leur communauté à faire de même. » 

Le parcours de Ying a commencé pendant la pandémie de COVID-19, lorsque sa tante l’a encouragée à s’engager au sein de la communauté et à participer à une formation juridique organisée par la HRDF et l’OIM. 

Depuis 2022, l’OIM et la HRDF travaillent ensemble pour fournir aux travailleurs migrants des informations précises et à jour sur le droit du travail, la migration et la protection sociale dans leur langue maternelle, grâce à des actions de sensibilisation et à des formations. 

« Nous avons réalisé que pour atteindre efficacement les travailleurs migrants, il fallait que ce soient eux-mêmes qui prennent l’initiative », explique Polwish Subsrisunjai, directeur de programme à la HRDF. « Ils parlent la même langue, comprennent les difficultés des uns et des autres et partagent les mêmes liens communautaires. » 

Avec le soutien de l’OIM, lui et son équipe ont mis au point un programme de formation visant à enseigner des connaissances juridiques et à renforcer les capacités des responsables communautaires migrants, qui forment désormais d’autres personnes au sein de leurs communautés. 

Dès son premier cours, Ying a été convaincue de l’importance de continuer. 

« J’ai entendu parler d’un cours sur le droit du travail en Thaïlande. J’étais au chômage à l’époque, alors j’ai décidé d’essayer », raconte-t-elle. « Finalement, ça m’a beaucoup plu. » 

Quatre ans plus tard, c’est Ying qui se tient désormais devant la classe et qui guide ses compatriotes au gré des sessions sur de nombreux sujets, du droit du travail à la sécurité routière. La sécurité routière est un sujet souvent négligé malgré le fait que de nombreux migrants sont exposés à des risques professionnels lorsqu’ils se rendent au travail ou travaillent dans des environnements à haut risque. 

« Nos collègues migrants nous interrogent souvent sur leurs droits lorsqu’ils sont impliqués dans des accidents de la route », explique-t-elle. « En général, lorsque le conducteur est en tort, il doit payer des amendes et d’autres frais, mais pour les migrants comme nous, les conséquences peuvent être beaucoup plus compliquées. C’est pourquoi nous devons faire de notre mieux pour respecter la loi. » 

La formation aide non seulement les migrants à comprendre leurs droits, mais leur apprend également les mécanismes de recours qu’ils peuvent saisir lorsque ces droits sont violés. 

Au-delà de la salle de classe, les responsables communautaires comme Ying jouent un rôle crucial en aidant les personnes à naviguer dans des systèmes juridiques complexes. Elle intervient souvent pour interpréter, conseiller ou aider à déposer des plaintes. 

« J’ai déjà travaillé sur un dossier de sécurité sociale où j’ai aidé la famille d’un travailleur migrant à obtenir une indemnisation après son décès au travail », raconte Ying. « Dans un autre cas, nous avons aidé quelqu’un à demander une aide au Fonds d’indemnisation des accidents du travail. Je suis fière d’avoir contribué à obtenir tout cela. » 

Ying n’est pas seule à mener cette démarche. Son amie On, également originaire du Myanmar, travaille en Thaïlande depuis plus de trente ans et se consacre désormais à aider d’autres migrants. 

« Je suis heureuse qu’il y ait encore des personnes dans notre communauté qui aient le courage de se manifester et de demander de l’aide lorsqu’elles vivent des injustices », déclare On. « Avec mes responsabilités au sein de la communauté, je suis fière de pouvoir aider quelqu’un à surmonter une situation difficile ou simplement d’être là quand une personne a besoin d’aide. » 

Les deux femmes sont convaincues que « savoir, c’est pouvoir » et que donner aux travailleurs migrants les moyens d’être autonomes est essentiel pour ériger des communautés plus fortes et mieux informées. 

« La formation nous donne accès à des connaissances que nous n’aurions pas autrement », explique On. « Il est très difficile pour les travailleurs de trouver ce type d’informations. » Ying ajoute que l’accès aux droits et à l’information leur a donné plus de confiance en elles. « Lorsque vous comprenez vos droits, vous pouvez vous protéger et protéger les autres », dit-elle. 

Leur travail continue de faire des émules, car de plus en plus de migrants apprennent de leurs collègues, contribuant ainsi à créer des communautés où la connaissance et la solidarité remplacent la peur et l’isolement. 

Les activités de sensibilisation communautaire menées par l’OIM auprès des communautés de migrants en matière de connaissance des droits s’inscrivent dans le cadre du Programme sur les migrations, les entreprises et les droits humains en Asie (MBHR Asia), financé par l’Union européenne et le gouvernement suédois. 

Par Tappanai Boonbandit – ONU Migration (OIM) / Storyteller – 31 octobre 2025

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