Les Etats-Unis orchestrent un rapprochement militaire avec le Cambodge pour contrer les ambitions chinoises
Washington et Phnom Penh ont décidé de reprendre leurs exercices militaires conjoints. Une première depuis 2017.
C’est une décision qui risque bien de froisser Pékin et ses ambitions hégémoniques en Asie. Et qui marque, d’une certaine manière, le rapprochement opéré par les Etats-Unis avec le Cambodge. Pour la première fois depuis presque une décennie, des militaires des deux pays devraient mener des manoeuvres communes. Aucune date n’a été rendue publique, mais cette reprise a été actée il y a quelques jours entre Washington et Phnom Penh.
Baptisées « Angkor Sentinel » , du nom du célèbre complexe de temples d’Angkor Vat qui est représenté au centre du drapeau cambodgien, ces exercices conjoints ne se sont pas tenus depuis 2017. Un arrêt de huit ans lié, à l’époque, au refroidissement des relations entre Phnom Penh et Washington.
Les Etats-Unis reprochaient alors au royaume asiatique de nombreux manquements aux droits humains et la détérioration de la démocratie, puisque, la même année, la Cour suprême avait dissous le principal parti d’opposition, arrêté son chef pour trahison et interdit d’activité politique des centaines de figures importantes de l’opposition.
Crainte américaine face à Pékin
Conséquence directe de ce refroidissement des relations entre les deux pays, le Cambodge avait accentué son rapprochement stratégique avec Pékin, faisant tomber un peu plus le pays dans le giron chinois en finançant de nombreuses infrastructures telles que des routes et des barrages, mais aussi en accordant des prêts et en formant et en équipant les militaires cambodgiens.
Une situation que l’Amérique de Donald Trump, obsédé comme son entourage par l’idée que la Chine est la principale et véritable menace qui existe, ne voit évidemment pas d’un très bon oeil. Avec une crainte majeure : voir la Chine bénéficier d’un accès exclusif au golfe de Thaïlande en contrepartie de l’aide financière apportée pour permettre l’extension de la base navale de Ream, sur la côte Sud du Cambodge. Base hautement symbolique pour Washington, qui envisage que son secrétaire d’Etat à la Défense, Pete Hegseth, se rende sur place à l’occasion d’une future visite d’un navire américain.
Des gestes des deux côtés
De fait, même si les Etats-Unis ont indirectement pointé du doigt Phnom Penh, en inculpant le fondateur du principal conglomérat cambodgien de complot en vue de fraude électronique et de blanchiment d’argent, les relations entre les deux pays se sont réchauffées depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche.
Même si cela reste à finaliser, les deux pays sont parvenus, fin octobre, à signer un accord commercial qui a permis à Phnom Penh, au prix de concessions, d’éviter les 49 % de surtaxe que voulait imposer Donald Trump. De même, ce dernier s’est ostensiblement emparé du rôle de pacificateur dans le conflit qui a opposé, pendant l’été, le Cambodge et la Thaïlande. S’attribuant l’initiative de l’accord de cessez-le-feu et la fin d’un conflit au point de mettre en scène, au premier jour de sa tournée asiatique, la signature d’un accord de paix entre Bangkok et Phnom Penh. L’occasion pour Washington de lever l’embargo sur les armes imposé au Cambodge.
Le Cambodge n’est pas en reste et a, lui aussi, multiplié les signes de bonne volonté à l’égard de son nouvel ami américain. Lors d’un entretien téléphonique avec le directeur du FBI, le Premier ministre, Hun Mamet, a ainsi convenu de renforcer la coopération internationale et assuré que son pays avait renforcé sa réglementation en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, tout en étant prêt à sévir contre les centres d’escroqueries, à l’image de celui que dirigeait Chen Zhi. Une démarche qui doit, à terme, permettre au Royaume de redevenir un acteur jugé crédible par le secteur financier international. Et ainsi devenir un peu moins dépendant des largesses financières chinoises.
Par Claude Fouquet – Les Echos – 5 novembre 2025