Micheline Dullin, témoin privilégiée du Phnom Penh des années soixante
Dans le cadre du Photo Phnom Penh Festival, portrait de Micheline Dullin, photographe du prince Sihanouk, dont les images du Phnom Penh des années soixante constituent un témoignage rare sur la ville et ses habitants.
C’est dans le Phnom Penh des années 60 que Micheline Dullin devient photographe professionnelle. Peintre de formation, elle avait jusque-là découvert la photographie argentique avec curiosité et enthousiasme. Au Cambodge, elle est engagée comme photographe officielle du prince Norodom Sihanouk.
Elle explore alors le pays avec une grande liberté et un profond intérêt pour ses habitants, aussi bien dans les campagnes que sur les chantiers modernes qu’elle documente dans le cadre de commandes.
Nous sommes à l’époque de constructions ambitieuses : le Stade Olympique, le pont japonais, le Front du Bassac. Sur ces sites, elle réalise des images parfois spectaculaires, où la monumentalité des projets n’efface jamais la présence humaine. Dans toutes ces photographies affleure une sympathie constante pour celles et ceux qu’elle observe.
Une pratique cohérente, entre commande et regard intime
Micheline Dullin conserve le même point de vue, qu’il s’agisse d’un travail de commande ou d’une scène qui la touche. « On ne doit pas encore se déterminer comme photographe “de”. On est photographe », disait-elle.
Dans le Phnom Penh des années soixante, elle devient rapidement « la » photographe, une position d’autant plus remarquable que ce métier restait peu accessible aux femmes, en particulier dans des milieux professionnels très masculins.
Des archives rares sur Phnom Penh
Grâce à ses missions, elle peut effectuer des prises de vue aériennes aujourd’hui précieuses pour comprendre l’histoire urbaine de la capitale. Ses images permettent ainsi de revoir des bâtiments disparus comme le White Building, des espaces tels que le lac Boeung Kak, et de mesurer à quel point la ville était conçue dans une harmonie horizontale.
Elle cultive toute sa vie l’équilibre du format carré, les nuances du noir et blanc et une lumière vibrante, dans un style mêlant documentaire et empathie. Son portrait de Phnom Penh au début des années soixante demeure sans équivalent.
Biographie de Micheline Dumoulin dite Dullin (1927-2020)
Peintre à l’origine, Micheline Dullin fréquente dès 1956 le milieu artistique parisien — cinéastes, peintres, écrivains. Elle se passionne pour la photographie avec le Rolleiflex offert par son ami Alain Resnais, notamment lors de séjours en Bolivie et au Pérou, où son mari travaille pour l’UNESCO.
En 1958, elle le suit en mission au Cambodge avec leur fille. Elle expose ses peintures à Phnom Penh et devient photographe officielle du prince Norodom Sihanouk. Elle couvre les événements officiels, dont l’inauguration du Monument national, mais photographie aussi la vie quotidienne et les grands travaux de la capitale. Dans les provinces, elle porte un regard attentif sur les habitants des campagnes.
Elle travaille également en Thaïlande, au Laos et à Hong Kong. Après un an à Bangkok (1964-1965), la famille s’installe en région parisienne.
Certaines de ses œuvres sont présentées en 2006 lors de l’inauguration du Centre Bophana. En 2012, la ville d’Aulnay-sous-Bois lui consacre une exposition, accompagnée d’un ouvrage sur ses années cambodgiennes. Elle s’installe ensuite à Martigues, dans la maison acquise en 1952, qui restera son lieu d’ancrage.
En 2013, le festival Photo Phnom Penh expose plusieurs de ses photographies en extérieur le long du Tonlé Sap.
Micheline Dullin s’éteint à Martigues en 2020, à 93 ans.
Lepetitjournal.com – 22 novembre 2025
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