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Esther, journaliste birmane, veut témoigner des vies confisquées par la guerre

Réfugiée en Australie, Esther, une journaliste birmane, a pourtant décidé de couvrir le quotidien des jeunes Birmans contraints de s’enrôler. L’association Exile Hub a publié son portrait qui montre les difficiles conditions d’exercice de ce métier en Birmanie. Une répression dont son collègue Sai Zaw Thaike est victime, emprisonné depuis deux ans dans les geôles birmanes. Un article publié à l’occasion de la campagne “Changez leur histoire” d’Amnesty International qui a lieu du 27 novembre au 14 décembre.

La plupart des gens passent leur vie à fuir le danger. Esther a toujours préféré l’affronter. Après s’être installée en Australie sous la protection du Haut-Commissariat des Nations unies aux réfugiés, elle a pris la décision de retourner à la frontière entre la Thaïlande et la Birmanie en 2023 pour poursuivre son métier de journaliste.

Aujourd’hui, en 2025, elle exerce dans l’une des zones de conflit les plus dangereuses de Birmanie. Même si souvent elle se retrouve au cœur des affrontements et ignore de quoi demain sera fait, sa détermination reste intacte.

Dans un monde où le silence est souvent la meilleure protection, Esther n’a pas peur d’être en première ligne. Sa seule arme : la vérité, qu’elle brandit pour rendre justice à ceux qui ne peuvent pas s’exprimer.

Née dans l’État Mon en 1993, Esther a toujours été très sensible à l’injustice.

“Je n’ai jamais pu vivre dans le mensonge ou accepter des situations douloureuses. Si quelque chose me dérange, alors je fonce.”

Comme beaucoup de jeunes Birmans, Esther a d’abord enchaîné les emplois, sans vraiment savoir quelle était sa vocation. Elle a fait du sous-titrage de films, travaillé comme commerciale dans le secteur du tourisme, puis comme responsable des relations publiques dans une entreprise coréenne. Mais aucun de ces postes ne lui convenait.

“Je ne pouvais pas rester dans des postes où je me sentais coincée ou qui étaient contraires à mes valeurs”, explique-t-elle.

En 2018, elle ressent un déclic en suivant un cours de journalisme. “C’est à ce moment-là que j’ai compris que j’avais toujours aimé écrire et partager mon point de vue. Je me sentais enfin à ma place.” À la fin de sa formation, elle obtient son premier emploi de journaliste dans un média communautaire.

En 2021, Esther travaillait pour un grand média. Après le coup d’État du 1er février 2021, sa rédaction a déménagé dans l’État de Kayah, dans l’est du pays, à proximité de la frontière thaïlandaise.

Esther a suivi ses collègues et a continué à couvrir l’actualité dans des conditions dangereuses. Réfugiée en Australie pour des raisons de sécurité, elle n’a pas su résister à l’appel de la vérité. Il s’est révélé plus fort que celui du confort. En 2023, elle a pris la décision de revenir sur le terrain.

Quelques mois après son arrivée en Thaïlande, l’armée birmane aux abois face aux offensives des forces coalisées contre la junte a pris des mesures d’urgence. En février 2024, elle a réactivé la loi sur la conscription et imposé aux hommes âgés de 18 à 35 ans et aux femmes âgées de 18 à 27 ans de servir dans l’armée. Échapper au service militaire ou aider quelqu’un à le faire était passible d’une peine allant jusqu’à cinq ans de prison.

“Plus les histoires sur les jeunes qui ne voulaient pas rejoindre les rangs de l’armée se multipliaient et plus j’étais résolue à en parler”, se souvient Esther. Mais travailler comme journaliste indépendante en exil est très compliqué. Elle n’avait pas de revenu fixe ni de moyens pour enquêter. C’est à ce moment-là qu’elle a décidé de postuler pour la bourse Critical Voices d’Exile Hub.

Le silence est insupportable

Esther a commencé à recueillir des témoignages. Elle a rencontré des jeunes hommes qui avaient fui leur village pour échapper à la conscription. Elle a également parlé aux femmes dont les frères et les maris avaient été emmenés par l’armée, et qui s’inquiétaient de ce qui allait leur arriver.

En septembre 2024, elle a publié un article intitulé : “Je ne veux pas que d’autres vivent la même chose que moi : histoires d’une conscription forcée”, permettant ainsi de faire entendre la voix de ceux que le régime voulait faire taire. Ensuite elle a écrit un autre article sans concession : “Arrachés à leur lit, arrêtés dans la rue : les jeunes Birmans contraints de mener la guerre perdue d’avance de la junte”.

Aujourd’hui, Esther travaille au cœur de l’une des zones de conflit les plus dangereuses du pays, le bruit des tirs et la menace des bombardements aériens sont constants. Malgré les dangers, elle tient à témoigner de ce qu’elle voit dans des articles fouillés.

Esther n’est pas seulement une journaliste, c’est aussi un soutien vital pour tous ceux dont la parole a été confisquée. Et quels que soient les risques, elle veut continuer à enquêter et à informer, parce que, pour elle, le silence est insupportable.

Exile Hub / Courrier International – 30 novembre 2025

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