Les cinq militants Mother Nature restent dans les prisons cambodgiennes
Cinq militants de Mother Nature voient leur demande de libération rejetée après plus d’un an d’attente. Leurs familles et les ONG dénoncent une décision injuste et leurs conditions de détention.
La Cour d’appel de Phnom Penh a refusé, le 1er décembre, d’accorder une libération sous caution à cinq militants de Mother Nature, condamnés à des peines de six à huit ans de prison pour « complot » et « insultes envers le roi ». Leur accusation remonte à leur arrestation en juillet 2024, lorsqu’ils avaient lancé une campagne de protection de l’environnement et des ressources naturelles.
L’affaire concernant Ly Chandaravuth, Phuon Keoreaksmey, Long Kunthea, Thon Ratha et Yim Leanghy a été examinée lundi après-midi par une formation de trois juges présidée par Ith Sothea.
Quatre militants ont été amenés au tribunal vers 14 h, tandis que Thon Ratha est arrivé à 14 h 26. Depuis le véhicule pénitentiaire, il a crié : « Je vais bien, je vais bien », saluant ses soutiens malgré ses mains menottées.
Au total, dix militants de Mother Nature ont été condamnés dans cette même affaire par le tribunal municipal de Phnom Penh.
Des familles désemparées face au refus de la Cour
Pat Reaksmey, l’épouse de Ratha, a confié à CamboJA News sa déception face à la décision, malgré ce qu’elle estime être des arguments solides présentés pour la libération des cinq militants. Après l’annonce du jugement, les magistrats les ont invités à se pourvoir devant la Cour suprême.
« Je suis sans voix. Je suis tellement déçue de cette décision. Le refus ajoute encore plus de pression sur moi, car je m’occupe seule de nos trois jeunes enfants. J’espère qu’il reviendra bientôt », a déclaré Reaksmey.
Les cinq militants sont détenus dans différentes prisons provinciales, ce qui complique les visites des proches, et limite leur accès aux soins comme à leurs avocats.
Thon Ratha est incarcéré au Centre correctionnel 3 de la province de Tboung Khmum, un placement que l’ONG Licadho estime contraire aux règles de détention définies par un prakas du ministère de l’Intérieur en 2022.
Plus d’un an d’attente et un appel sans véritable audience
Selon Yi Soksan, enquêteur principal à l’Association cambodgienne pour les droits de l’homme et le développement (Adhoc), plus d’une année s’est écoulée depuis l’ouverture du dossier devant la Cour d’appel. Les difficultés sont accrues par l’absence supposée d’une audience complète après le jugement du tribunal municipal et la condamnation des militants. C’est pour cela, rappelle-t-il, que leurs avocats ont demandé leur libération sous caution.
Trois militants ont été condamnés à six ans d’emprisonnement. Ratha, Leanghy et Alejandro Gonzalez-Davidson — cofondateur de Mother Nature, condamné par contumace — ont écopé de huit ans de prison et d’une amende de 10 millions de riels (environ 2 500 dollars), en vertu de l’article 437 sur l’insulte envers le roi.
Yi Soksan souligne que malgré les engagements et les demandes répétées des militants, le tribunal a maintenu son refus : « Le tribunal n’a pas seulement rejeté leur caution. Il a dit que s’ils n’étaient pas satisfaits, ils pouvaient saisir la Cour suprême ».
Il rappelle également que Mother Nature « a beaucoup contribué » à combler certaines lacunes de l’action publique en matière environnementale, sans jamais recevoir la reconnaissance méritée. « Ils ont pleuré durant l’audience car ils voulaient retourner à leur travail social, mais restent détenus en raison de la décision du tribunal », a-t-il déclaré.
Une reconnaissance internationale, mais une répression persistante
En 2023, les membres de Mother Nature Cambodia ont reçu le Right Livelihood Award pour leur « activisme courageux et engagé » en faveur de la défense de l’environnement. La fondation suédoise à l’origine du prix a condamné leur condamnation.
Le mouvement Mother Nature a été cofondé en 2013 par l’Espagnol Alejandro Gonzalez-Davidson. Expulsé en 2015, il a été jugé par contumace et banni définitivement du territoire cambodgien après sa condamnation.
Par Sovann Sreypich – CamboJA News / Lepetitjournal.com – 3 décembre 2025
Articles similaires / Related posts:
- Cambodge : des militants de l’environnement condamnés à des peines de 18 à 20 mois de prison Au Cambodge, les activités des cours de justice ont été ralenties depuis que le pays fait face à sa première vraie vague de cas de Covid-19. La cour municipale de Phnom Penh, récemment équipée de vitres en plexiglas, a néanmoins condamné mercredi cinq activistes environnementaux à des peines de 18 et 20 mois de prison....
- Condamnation d’un militant de Prey Lang : les écologistes à nouveau réprimés Réagissant à la condamnation de Chan Thoeun, un militant du Réseau communautaire de Prey Lang (PLCN), pour « violences intentionnelles avec circonstances aggravantes », Ming Yu Hah, directrice régionale adjointe du travail de campagne à Amnesty International, a déclaré :...
- Cambodge : les militants écologistes récompensés du prix Right Livelihood privés de cérémonie en Suède Trois militants écologistes cambodgiens, chaînes aux poignets et aux chevilles, ont protesté vendredi contre la décision d’un tribunal de leur interdire de voyager en Suède pour y recevoir un prix pour leur action....
- Cambodge : des militants écologistes condamnés à des peines de 6 à 8 ans de prison pour complot La justice cambodgienne a condamné, mardi 2 juillet, dix militants écologistes à des peines allant de six à huit ans de prison pour complot en vue de commettre des crimes, dans une nouvelle tentative de « museler » l’opposition, selon des groupes de défense des droits humains....
- Le Cambodge met ses activistes environnementaux derrière les barreaux La condamnation, mardi 2 juillet, de dix défenseurs de l’environnement marque une accentuation de la répression des voix critiques....