En Birmanie, des élections législatives critiquées sur fond de guerre civile
En Birmanie, la campagne électorale se déroule sur fond de guerre civile. À la fin du mois, les habitants voteront pour élire leurs représentants législatifs, une première depuis 2021 et le coup d’État de l’armée birmane, qui dirige depuis le pays d’une main de fer.
Les panneaux électoraux sont flambant neufs dans la ville birmane de Nawnghkio à l’approche des législatives organisées par la junte militaire, mais les habitations, elles, portent clairement les stigmates de la guerre civile.
« On vit toujours dans la peur », témoigne sous couvert d’anonymat, pour des raisons de sécurité, une habitante de cette ville du nord du pays. « On n’a aucune idée de quand les combats pourraient reprendre ».
Nawnghkio est perchée sur un plateau brumeux de l’État Shan, connu jadis pour ses plantations d’orangers, ses fleurs sauvages éclatantes et son café particulièrement robuste.
Elle est devenue plus récemment une ville charnière dans la guerre civile birmane, conquise par une alliance rebelle l’an dernier avant d’être reprise par l’armée en juillet, après 11 mois de combats, lors de son offensive pré-électorale.
Les candidats locaux aux élections législatives y sont suivis par des agents de sécurité en civil, officiellement pour leur propre protection, et l’un d’eux affirme que des mines ont été disposées autour des villages environnants.
La ville est encerclée par des postes de contrôle, où militaires et policiers photographient les véhicules suspects et inspectent les cartes d’identité des civils.
Des élections truquées ?
La junte a pris le pouvoir en Birmanie lors d’un coup d’État en 2021, renversant le gouvernement de la Ligue nationale pour la démocratie, emprisonnant sa dirigeante Aung San Suu Kyi et déclenchant une guerre qui déchire depuis le pays.
Elle a promis des élections en plusieurs phases à compter du 28 décembre, censées apaiser le conflit et ramener le pays sous un régime civil.
Mais les critiques affirment que les partis en lice sont approuvés par l’armée et que le scrutin n’est qu’une mascarade destinée à conforter le régime militaire.
« On ne connaît pas grand-chose à la politique. Ça ne nous intéresse pas, mais on ira tout de même voter« , explique l’habitante anonyme de Nawnghkio, qui aspire avant tout à « vivre en paix ».
« Paix et bonheur »
Dans l’État Shan, l’Armée de libération nationale Ta’ang et les Forces de défense du peuple, pro-démocratie, ont un temps repris du terrain sur la junte, le long de la principale route commerciale avec la Chine, avant de reculer.
Aik Tun avait fui ces combats, mais il est désormais de retour chez lui, dans sa ferme. Il estime que les élections, dont les résultats sont attendus pour fin janvier, pourront apporter du réconfort à sa patrie meurtrie.
« Ce n’est qu’en étant unis qu’on pourra réussir à l’avenir avec paix et bonheur », philosophe cet homme de 58 ans. « Notre village, notre ville, nos régions et nos États ont besoin d’avancer ».
À une heure de route au sud de Nawnghkio, la ville de Pyin Oo Lwin abrite l’académie de formation des officiers militaires.
Hein Htoo Hlaing s’y présente aux législatives pour le Parti du peuple après avoir servi comme capitaine dans l’armée qui a pris le pouvoir lors du coup d’État.
« Je veux travailler en priorité pour la paix », avance le trentenaire sur un ton conciliant. « Tous les groupes, l’armée ou les groupes armés ethniques, disaient qu’ils combattaient pour le peuple, qu’ils travaillaient pour le peuple. En réalité, les gens sont pris entre deux feux ».
L’ancien militaire mène désormais campagne en tenue civile, toujours surveillé de près sur le terrain par d’anciens rivaux.
« Je n’ai aucune idée de qui pourrait m’en vouloir », affirme l’aspirant député. « Mais ça ne m’inquiète pas car j’ai été soldat. La seule différence, c’est que je n’ai plus d’arme en main pour riposter si on m’attaque ».
Géo Magazine avec Agence France Presse – 16 décembre 2025
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